Charles Bonnet (naturaliste)

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Charles Bonnet
Jens Juel, Portrait de Charles Bonnet (1777), Bibliothèque de Genève.
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Microscope of Charles Bonnet-MHS 149 (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Plaque commémorative
Vue de la sépulture.
Idée d'une échelle des êtres publiée dans le Traité d'insectologie (1745)

Charles Bonnet, né le à Genève et mort le dans la même ville, est un naturaliste et philosophe genevois. On lui attribue parfois la nationalité suisse[1], mais il était plutôt de nationalité genevoise, la République de Genève, bien qu'alliée aux cantons suisses protestants depuis le XVIe siècle, ne s'étant jointe à la Confédération suisse qu'en mai 1815[2]. On doit à Bonnet la description de la parthénogenèse chez le puceron, mais aussi des travaux sur les régénérations animales, la psychologie, et sur la théorie de la génération.

Biographie[modifier | modifier le code]

Fils de Pierre Bonnet et d'Anne-Marie Lullin de Chateauvieux, Charles Bonnet reçoit une éducation soignée[3]. Il est destiné à une carrière de magistrat, mais le droit ne l'intéresse guère. À l'académie de Genève, il est d'abord l'élève des mathématiciens Gabriel Cramer et Jean-Louis Calandrini. Sous la direction de Cramer, il découvre l'œuvre de Newton, celle de Leibniz et celle de Malebranche, tout en faisant ses premiers pas d'entomologiste (1738). Son intérêt pour la physiologie végétale, qui devait se manifester un peu plus tard, trouve lui-même son origine dans une thèse soutenue en 1734 par Jacques-André Trembley (frère cadet d'Abraham) sous la direction de Calandrini. Sa passion pour l'histoire naturelle se développe également en lisant le Spectacle de la nature de l'abbé Pluche (1688-1761) et surtout les Mémoires pour servir à l'histoire des insectes de Réaumur (1683-1757). Dès l'âge de 18 ans, il établit d'ailleurs une correspondance avec ce dernier. Deux ans plus tard (1740), Bonnet est nommé correspondant de l'Académie des Sciences de Paris pour avoir réussi la démonstration expérimentale de la parthénogenèse du puceron, démonstration que Réaumur avait vainement tentée. En 1743, il devient fellow de la Royal Society. Il sera par la suite affilié à la plupart des académies et sociétés savantes de l'Europe, en particulier celles de Berlin, Stockholm, Saint-Pétersbourg et Bologne.

Bonnet se passionne donc pour la reproduction des pucerons et obtient onze générations successives sans la moindre fécondation. Il étudie également la faculté de régénération des vers. Ses résultats sont publiés avec un grand luxe de détails dans un Traité d'insectologie (1745), qui mettra fin au dogme de la génération sexuée. D'autres travaux entomologiques porteront sur la respiration des chenilles et des papillons, sur l'anatomie du tænia ou sur la régénération du limaçon ou des pattes d'écrevisse.

Planche des Recherches sur l'usage des plantes (1754) relative à des expériences de séquestration.

Bonnet se tourne ensuite vers la « physique végétale » et réalise d'innombrables expériences sur l'orientation des tiges et des feuilles en fonction de la lumière, de la chaleur ou de l'humidité, ainsi que sur l'étiolement, la transpiration des plantes, la disposition des feuilles. Il en résulte des Recherches sur l'usage des feuilles dans les plantes (1754) qui feront l'admiration de Cuvier : « C'est l'un des plus importants [traités] pour la science que le dix-huitième siècle ait produit », une opinion qui ne sera pas forcément reprise par la suite.

Dans ses Mémoires autobiographiques, Bonnet a accrédité l'idée que la suite de ses recherches expérimentales a été entravée par la cécité et par une attaque de paralysie. Ne pouvant plus se servir de microscope, il se serait alors orienté vers la biologie théorique, composant par ailleurs plusieurs écrits philosophiques tels que l'Essai de psychologie (1754) et l'Essai analytique sur les facultés de l'âme (1760). Il s'agit là d'une reconstitution a posteriori d'une démarche intellectuelle beaucoup plus complexe, où interviennent des considérations théoriques, philosophiques et religieuses aussi bien que des preuves empiriques fondées sur des séries d'observations et d'expériences réalisées avec la plus grande minutie et le plus grand soin. En réalité, les préoccupations théoriques étaient présentes dans son esprit dès son plus jeune âge, comme le prouve son appartenance précoce à une société de philosophie, ou la découverte, orientée par son maître Cramer, de l'œuvre de Leibniz[4]. L'idée leibnizienne de l'échelle des êtres est d'ailleurs présente, sous la forme d'une illustration, dans son Traité d'insectologie. À l'inverse, Bonnet n'a jamais totalement cessé d'expérimenter lorsque le besoin d'éclaircir un point théorique se faisait sentir, même s'il préférait faire réaliser les expériences les plus cruciales par d'autres naturalistes genevois, ou par ses correspondants Albrecht von Haller et surtout Lazzaro Spallanzani[5].

C'est dans ce contexte qu'il rédige, assez tôt dans sa carrière, des "Méditations sur l'Univers", dont il tirera notamment en 1762 ses Considérations sur les corps organisés, une sorte de traité de biologie de la reproduction avant la lettre, où il expose notamment sa théorie sur la préexistence des germes, ainsi que les expériences qui paraissent la fonder. Pour lui, la production d'un nouvel être vivant est due à l'évolution d'un germe préexistant. Cette théorie permet d'expliquer l'apparition des êtres sans contredire la Bible, même interprétée d'une façon littérale, puisque tous les germes auraient ainsi été créés lors de la Genèse.

En 1764, il fait paraître sa Contemplation de la nature, ouvrage de synthèse traduit dans les principales langues européennes et qui lui vaut une grande renommée, y compris au-delà des cercles scientifiques.

Mais son œuvre la plus ambitieuse est sans doute sa Palingénésie philosophique (1769) dans laquelle il poursuit le développement de son système leibnizien. Il y défend l'immortalité de l'âme de l'être humain mais aussi de celle des animaux. C'est un vaste essai où il puise à des connaissances très vastes comme la géologie, la biologie, la psychologie et la métaphysique pour décrire la vie sur Terre et son futur. Il poursuit cette réinterprétation de la Genèse dans les Recherches philosophiques sur les preuves du christianisme de 1773.

Pour le reste, la vie de Charles Bonnet est dépourvue d'évènements marquants. Il semble n'avoir jamais quitté le bassin genevois, ni avoir pris part aux affaires publiques à l'exception de la période comprise entre 1752 et 1768, durant laquelle il fut membre du conseil de la République. C'est au cours de cette période, plus précisément en 1755, qu'il publie dans le Mercure de France une critique du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes de Rousseau, rédigée sous le pseudonyme de Philopolis. Bonnet y soutient l'origine naturelle de la société[6]. Rousseau répond par lettre à cette critique[7].

Bonnet passa les vingt-cinq dernières années de sa vie dans sa paisible retraite campagnarde de Genthod, près de Genève, où il mourut des suites d'une longue et pénible maladie le 20 mai 1793. Son épouse était issue de la famille De la Rive. Le couple n'eut pas d'enfants, mais était proche de Horace-Bénédict de Saussure, neveu de madame Bonnet.

Contribution à la science[modifier | modifier le code]

Charles Bonnet considérait avec une certaine condescendance les naturalistes systématiciens, qui se contentaient de nommer et de classer les espèces. Bien que très attaché à l'exactitude de ses observations et à la rigueur de ses expériences, il ne les considérait utiles que dans la mesure où elles permettaient d'établir un savoir théorique sur la nature, dont les règles d'élaboration devaient suivre les principes méthodologiques développés dans ses traités de psychologie, soit l′Essai de psychologie et l′Essai analytique sur les facultés de l'âme. Il est convaincu que la valeur du savoir obtenu dépend fortement du respect des règles de la logique et de la méthode, et de la connaissance des mécanismes de la sensation, de la perception et de la connaissance intellectuelle.

Dans ses traités « biologiques » sur la nature, Charles Bonnet s'attache à montrer que tous les êtres forment une échelle ininterrompue ; que tous proviennent de germes préexistants, etc. Dans ses traités de métaphysique, il accorde une grande part au cerveau et à l'organisation animale, mais sans tomber[non neutre], comme on l'en a accusé, dans le matérialisme et le fatalisme. Tout au contraire[non neutre], il était profondément religieux et optimiste quant au devenir des êtres et des espèces : il a tâché d'établir dans sa Palingénésie la nécessité d'une autre vie, non seulement pour l'homme, mais aussi pour les animaux.

Ses travaux lui valent les sarcasmes de Voltaire, toujours prompt à pourfendre les idées leibniziennes.

Dans le domaine médical il décrit le syndrome de Bonnet. En 1760 il relate le cas de son grand-père, âgé de 87 ans, atteint d'une cataracte sévère et qui, en dépit d'une quasi-cécité, se plaignait d'hallucinations visuelles élaborées et réalistes : il disait percevoir des personnages, des oiseaux et divers motifs plus ou moins complexes. Bonnet a laissé son nom à ce syndrome, dans lequel la majorité des personnes atteintes sont des sujets âgés présentant un déficit de la vision quelle qu'en soit l'origine[8].

Œuvres (sélection)[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Charles Bonnet (1720-1793), Collection de portraits, s.d., Gravure au burin d'Ambroise Tardieu d'après Jens Juel.
Contemplation de la nature, 1764

Correspondance[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Philipp Matthäus Hahn – Jakob Friedrich Klemm, Etwas zum Verstand des Königreichs Gottes und Christi (Fingerzeig) * samt einem Auszug aus dem Theologischen Notizbuch von Philipp Matthäus Hahn mit neun ausgewählten Abhandlungen aus dem zeitlichen Umfeld der Epheserbriefauslegung von 1774 (= Kleine Schriften des Vereins für württembergische Kirchengeschichte no 20), éd. par Walter Stäbler, Verein für württembergische Kirchengeschichte c/o Landeskirchliches Archiv Stuttgart, Stuttgart 2016.). (ISBN 978-3-944051-11-6)., pp. 91-115 : Die grosse Schöpfungs-Leiter [La grande échelle créatrice] : Von dem Staub biß zum Thron-Engel, ici pp. 99-115. - La base du texte est la traduction allemande Carl Bonnet : Betrachtungen über die Natur, Johann Daniel Titius, Leipzig, 1774.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Par exemple, « Swiss naturalist and philosophical writer », dans « Charles Bonnet », Encyclopaedia Britannica. Encyclopaedia Britannica Online Academic Edition. Consulté le 20 août 2015.
  2. Claude Raffestin, Paul Guichonnet et Jocelyne Hussy, Frontières et sociétés : le cas franco-genevois, Genève, L'Âge d'Homme, 1972, p. 32.
  3. « Mon père […] ne négligea rien pour mon éducation » : (de) « Charles Bonnet von Genf. 1720–1793 », dans Rudolf Wolf, Biographien zur Kulturgeschichte der Schweiz, 3e cycle, Zürich, Orell, Füssli & Comp., 1858-1862, p. 257.
  4. Dans ses Mémoires autobiographiques, Bonnet insiste sur le caractère rebutant que la philosophie présentait à ses yeux d'étudiant, incapable de saisir la notion leibnizienne de monades. Mais tout indique qu'il s'agit en réalité d'une coquetterie.
  5. On peut consulter, de Jean Senebier, « Ébauche de l'histoire des êtres organisés avant leur fécondation », Lazzaro Spallanzani, Œuvres de M. l'Abbé Spallanzani… : Expériences pour servir à l'histoire…, 1787.
  6. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Discours sur les sciences et les arts, GF Flammarion, 1992, p. 279.
  7. Lettre de J. J. Rousseau à M. Philopolis [Charles Bonnet] (numérisation rousseauonline.ch)
  8. G. E. Berrios et P. Brook, « The Charles Bonnet syndrome and the problems of visual perceptual disorder in the elderly ». Age and ageing 11: 17-23, 1982 PMID 7041567.
  9. a et b (en) George Sarton, [Recension des] Mémoires autobiographiques de Charles Bonnet de Genève by Charles Bonnet, Raymond Savioz ; La philosophie de Charles Bonnet de Genève by Raymond Savioz, dans Isis, vol. 43, no 3 (Sep., 1952), p. 277-280.
  10. Caraman 1859, Charles Bonnet, philosophe et naturaliste, 1859, p. 93–117.

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