Georges Charpak

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Georges Charpak
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Georges Charpak en 2005 (photo studio Harcourt)

Naissance
Dąbrowica (Pologne, maintenant Ukraine)
Décès (à 86 ans)
Paris 5e (France)
Nationalité Drapeau de la France Français
Domaines Physique nucléaire et physique des particules
Institutions CNRS, ESPCI ParisTech, CERN
Diplôme École nationale supérieure des mines de Paris
Renommé pour Travaux sur les détecteurs des particules à hautes énergies, invention de la chambre proportionnelle multifils (1968)
Distinctions Prix Nobel de physique 1992
Médaille d'argent du CNRS

Hersz Georges Charpak[1] dit Georges Charpak, né à Dąbrowica le et mort à Paris le , est un physicien français lauréat du prix Nobel de physique en 1992 pour ses travaux sur les détecteurs de particules à hautes énergies.

Biographie[modifier | modifier le code]

Fils de Maurice Charpak, commerçant, et d'Anna Chapiro[2], Georges Charpak est né le , déclaré le , dans le village de Dąbrowica en Pologne (maintenant en Ukraine). Sa famille, juive, émigre en France en 1931 alors qu'il a 7 ans et emménage à Paris, avenue d'Orléans, avant de déménager en 1936 pour le square Albin-Cachot[3], dans le 13e arrondissement.

En 1937, dès l'âge de 13 ans, Georges Charpak rejoint le mouvement des « Faucons rouges », « mouvement semblable aux scouts... mais laïc et d’obédience socialiste[4] » dont le local est situé rue du Château dans le 14e arrondissement. Il quitte ce mouvement en 1938 après les accords de Munich et rejoint les « Auberges de Jeunesse[5] ». En , la partie nord de la France est occupée par les Allemands.

Il obtient son baccalauréat à 17 ans en 1941, alors qu'il est inscrit au lycée Saint-Louis à Paris[6]. Il commence ses classes préparatoires dans le même lycée où il est pensionnaire[7]. Son jeune frère et ses parents refusent de porter l'étoile jaune et sont dénoncés par leur concierge ; ils choisissent de s'enfuir[8] avant la rafle du Vél' d’Hiv de . Il possède une fausse carte d'identité, sous le nom de Jacques Charpentier[9], qui le domicilie à Troyes.

En 1942, il vit à Montpellier[10], avec sa mère et son jeune frère[11] et poursuit ses classes préparatoires au lycée Joffre de Montpellier. Son père travaille comme bûcheron dans les Cévennes pour passer inaperçu en raison de son fort accent[11].

En , les Allemands franchissent la ligne de démarcation et occupent la totalité du territoire national.

Georges Charpak entre dans un mouvement de Résistance[8], par l'entremise d’une de ses camarades de lycée[9]. On lui donne des responsabilités, il rencontre des résistants du réseau FTP communiste et des résistants du réseau gaulliste Combat. A posteriori, il estime qu'il n'avait pas l'étoffe suffisante pour remplir sa tâche, en raison de son jeune âge et de son impréparation, et se sent responsable de la fin tragique de certains résistants qu'il a côtoyés[12].

En 1943, âgé de 19 ans, il échoue au concours d’entrée à l'École polytechnique, mais réussit à celui de l'École des mines de Paris ; pendant l’été, il est arrêté par la police à la suite d’imprudences, interrompant ainsi ses études[a].

Il est d’abord interné à la prison de Montpellier, jusqu'au mois de décembre où il est transféré au centre de détention d'Eysses[14], dans lequel il donne et reçoit des cours de mathématiques et de physique[15]. En , une tentative d’évasion collective échoue où treize de ses camarades sont tués ou fusillés[16]. Il est ensuite déporté au camp de concentration de Dachau[14] près de Munich en Allemagne : il y reste pendant un an, sa pratique de plusieurs langues ayant selon lui contribué à sa survie[17].

Après la guerre, il reçoit « quelques décorations et [est] homologué au grade de lieutenant des Forces françaises de l'intérieur[18] ».

Il devient citoyen français en 1946[19], en partie grâce à son statut d'élève-ingénieur de l’École des mines[20]. Cette naturalisation lui avait précédemment été refusée, malgré sa croix de guerre[20].

Il sort diplômé de l’École des mines en 1947. En 1948, il est admis au CNRS comme chercheur dans le laboratoire de physique nucléaire du Collège de France, dirigé par Frédéric Joliot-Curie et il obtient son doctorat de sciences en 1955. Alors que Frédéric Joliot-Curie veut lui faire faire de la physique nucléaire, il choisit le sujet de sa propre thèse[21], qu'il soutient en 1954, sur des détecteurs[22].

Promu maître de recherches au CNRS en 1959, il est recruté par Leon Lederman à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire[b] près de Genève. Il en devient chercheur permanent en 1963. C'est dans ce dernier laboratoire qu'il met au point la chambre proportionnelle « multifils » qui remplace rapidement les chambres à bulles en permettant un traitement informatique des données. Il prend soin de déposer des brevets. Il choisit alors de résider à Gex où il s'achète une maison.

À partir de 1980[23], il est professeur associé du laboratoire d'électricité générale de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI) et titulaire de la chaire Joliot-Curie pour un an en 1984. Il y développe les applications médicales de ses détecteurs de particules (radiologie douce développant des doses irradiantes moindres) et participe, avec son collaborateur Claude Hennion, à la fondation de nombreuses « startups » d'imagerie biomédicale dont « Molecular Engines Laboratories[24] », « Biospace Instruments » avec son fils Yves Charpak, médecin-consultant[25] et « SuperSonic Imagine » avec Mathias Fink[26].

Il est élu membre de l'Académie des sciences le . En 1991, il prend sa retraite du CERN.

Georges Charpak au Festival international de géographie en 1998.

Georges Charpak reçoit le prix Nobel de physique en « pour son invention et le développement de détecteurs de particules, en particulier la chambre proportionnelle « multifils »[27],[28] », avec comme double affiliation l’ESPCI et le CERN. Tout comme Pierre-Gilles de Gennes un an plus tôt, le prix Nobel de Georges Charpak est « entier » : depuis cette date, il n'y a pas eu d’autre cas d’attribution du prix Nobel de physique à un lauréat seul.

À partir de 1996, avec le soutien de l'Académie des sciences et de ses collègues Pierre Léna et Yves Quéré, il prend la tête d'un important mouvement de rénovation de l'enseignement des sciences à l'école primaire, baptisé « La main à la pâte », qui touche aujourd'hui près d'une école sur trois en France et essaime dans le monde entier. Des collaborations internationales ont été signées pour étendre cette initiative à de nombreux pays dans le monde.

Militant pour l'énergie nucléaire civile, il a proposé en 2001 une nouvelle unité de mesure de la radioactivité, le DARI (pour « dose annuelle due aux radiations internes »), correspondant à environ 0,25 millisievert[29].

En , il s'élève contre le coût de la construction du réacteur nucléaire expérimental français Iter, dont le budget prévisionnel venait de passer de cinq à quinze milliards d’euros, menaçant les financements de la recherche scientifique européenne ainsi que « de nombreuses recherches autrement plus importantes, y compris pour l’avenir énergétique de notre planète », mais considère que « ... notre problème d'énergie est urgent. C'est immédiatement qu'il faut économiser l'énergie, et remplacer les combustibles fossiles[30] ».

Il meurt le dans le 5e arrondissement de Paris[1],[31].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Prix et distinctions[modifier | modifier le code]

L'Académie des sciences recense les distinctions et prix suivants décernés à Georges Charpak[32] :

Avant la distinction reçue par Serge Haroche en 2012, Georges Charpak était le dernier prix Nobel français de l'après-guerre dans les domaines de la physique nucléaire et de la physique des particules élémentaires.

Le 10 novembre 2001 est inauguré l'amphithéâtre Charpak sur l'université de la Réunion, où se trouve une plaque avec ses mots.

L'École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne a ouvert en 2008 une filière d'ingénierie portant son nom en micro-électronique, informatique et nouvelles technologies à Gardanne (près d'Aix-en-Provence)[34]. L'inauguration a eu lieu en sa présence.

Le fonds d'innovation de l'ESPCI inauguré en [35] porte son nom[36].

Le vendredi , le maire de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a inauguré la nouvelle cité sanitaire qui porte le nom de Georges Charpak[37].

Le laboratoire de biomécanique de l'École nationale supérieure d'arts et métiers, créé en 1979, a été renommé en 2013 institut de biomécanique humaine Georges Charpak, eu égard à sa contribution décisive pour l'imagerie médicale et les domaines de recherche appliquée qui en découlent[38].

En France, en 2015, 15 établissements scolaires portent son nom[39] : notamment à Goussainville, avec la particularité d'être au tout numérique, à Brindas, ainsi qu'à Gex, ville où il a vécu.

Le centre de médecine nucléaire de Quimper-Cornouaille, inauguré en novembre 2016, porte son nom.

Il existe également un institut à son nom à Villebon (91), où l'on peut obtenir une licence Sciences et Technologies. L'enseignement proposé dans cet institut respecte les valeurs de Georges Charpak, notamment le concept de la main à la pâte, adapté à un niveau universitaire.

Dans la culture[modifier | modifier le code]

Georges Charpak apparaît aux côtés de Henri Broch sous les traits du personnage Henri-Georges Brochard dans le tome 2 de la série de romans pour la jeunesse d'Alexandre Moix, Les Cryptides - À la poursuite de l'Olgoï-Khorkhoï (éditions Plon). Il y incarne un scientifique de réputation internationale, qui se fait mystérieusement assassiner par un cryptozoologue qui terrorise Paris.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Il n'a ainsi connu les résultats de son passage des concours qu'à son retour de déportation[13] en 1945.
  2. Couramment connu sous le nom de ses débuts, le CERN.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Fichier des actes de décès : Hersz Georges Charpak », sur MatchID.
  2. Who’s Who in France : dictionnaire biographique, Éditions Jacques Lafitte, 1992.
  3. Charpak et Saudinos 1993, p. 41-42.
  4. Charpak et Saudinos 1993, p. 42.
  5. Charpak et Saudinos 1993, p. 50.
  6. Charpak et Saudinos 1993, p. 49-50.
  7. Charpak et Saudinos 1993, p. 54.
  8. a et b Charpak et Saudinos 1993, p. 58.
  9. a et b Charpak et Saudinos 1993, p. 62.
  10. Charpak et Saudinos 1993, p. 51.
  11. a et b Charpak et Saudinos 1993, p. 61.
  12. Charpak et Saudinos 1993, p. 63.
  13. Charpak et Saudinos 1993, p. 65.
  14. a et b Charpak et Saudinos 1993, p. 70.
  15. Charpak et Saudinos 1993, p. 71.
  16. Charpak et Saudinos 1993, p. 72.
  17. Charpak et Saudinos 1993, p. 73.
  18. Charpak et Saudinos 1993, p. 64.
  19. « Hommage de l'Académie des sciences à Georges Charpak » [PDF], sur Académie des sciences, .
  20. a et b « L'enfance d'un Nobel », Le Nouvel Observateur,‎ , p. 96
    (Extraits exclusifs dans le Nouvel Obs du livre de Charpak Mémoires d'un déraciné, physicien et citoyen du monde) : « Grâce à l’École des Mines, je fus naturalisé français car [...] la France avait besoin de ses mineurs polonais qui partaient en masse reconstruire leur patrie. Elle leur assurait la nationalité française s'ils acceptaient de continuer leur travail dans les mines. Je jurai que c'était mon souhait. »
  21. Étude de la période de décroissance du niveau de 57 keV lié à la désintégration du MTh2.
  22. Aurélie Luneau, « La Marche des sciences : podcast et émission en replay », sur France Culture, (consulté le )
  23. Charpak à l'ESPCI, hommage de Jacques Lewiner à l'Académie des sciences le .
  24. Molecular Engines Laboratories, startup fondée en 2000 par Georges Charpak.
  25. « Biospacelab- In vivo Bioluminescence, visible, NIR I and NIR II / SWIR imaging systems & autoradiography » (consulté le )
  26. SuperSonic Imagine, startup fondée en 2005 par Georges Charpak.
  27. (en) « for his invention and development of particle detectors, in particular the multiwire proportional chamber » in Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Physics 1992 », Fondation Nobel, 2010. Consulté le 25 juin 2010.
  28. 2007 Concours Lépine, Le livre des inventions, Éditions Flammarion, septembre 2006.
  29. Le DARI : unité de mesure adaptée à l'évaluation de l'effet des faibles doses d'irradiation.
  30. Personnel de rédaction, « Le prix Nobel de physique Georges Charpak demande l'arrêt d'Iter », La Tribune,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  31. « La mort du physicien Georges Charpak », sur Le Figaro, (consulté le )
  32. Liste des honneurs attribués à Georges Charpak sur le site de l'Académie des sciences.
  33. Valérie Burgos, « Médailles d’argent du CNRS 1960-2010 », sur Comité pour l'histoire du CNRS, (consulté le ).
  34. (fr) « Le mot du Directeur du CMP », École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne (consulté le ).
  35. (en) « L'école aux cinq Nobel crée un fonds d'innovation », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  36. « ESPCI Paris : Nous Soutenir », sur www.espci.psl.eu (consulté le )
  37. La Cité sanitaire Georges-Charpak inaugurée à Saint-Nazaire (Ouest France).
  38. Baptiste SANDOZ, « Institut de Biomécanique Humaine Georges Charpak - Présentation de l'Institut », sur biomecanique.ensam.eu (consulté le )
  39. « De Jules Ferry à Pierre Perret, l'étonnant palmarès des noms d'écoles, de collèges et de lycées en France », sur lemonde.fr, (consulté en ).

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]