Jean-Louis Crémieux-Brilhac

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Jean-Louis Crémieux, dit Crémieux-Brilhac, né le à Colombes et mort le à Paris 5e[2],[3], est un haut fonctionnaire, ancien résistant et historien français de la Seconde Guerre mondiale, correspondant de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques).

Biographie[modifier | modifier le code]

De la captivité à la France libre[modifier | modifier le code]

Photographie d'un groupe des évadés français par la Russie, « Les Russes », à leur arrivée en Angleterre en septembre 1941[4]. De gauche à droite : Jean-Louis Crémieux-Brilhac et Jean Richemond, futurs membres du commissariat national à l’Intérieur – Pierre Billotte, futur chef de l’état-major particulier du général de Gaulle – François Thierry-Mieg, futur chef du service de contre-espionnage du Bureau central de renseignements et d'action (BCRA).

Parisien originaire d’une famille juive installée depuis cinq siècles à Carpentras, puis à Nîmes et à Narbonne, il est précocement politisé. Grâce à son oncle, le critique littéraire Benjamin Crémieux (1888-1944), il rencontre, alors qu'il n'est encore que lycéen, André Malraux et Stefan Zweig. Il fait d'excellentes études secondaires au lycée Condorcet (de 1924 à 1933), puis des études de lettres et d'histoire à la Sorbonne. À partir de 1931, il passe une partie de ses vacances en Allemagne, où il assiste à la montée du nazisme. Il est de 1935 à 1938 le plus jeune adhérent du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes[5].

Mobilisé en , ayant suivi un peloton d'E.O.R (élèves-officiers de réserve) à Saint-Cyr, il est promu aspirant. Affecté à l'extrémité ouest de la ligne Maginot, il est fait prisonnier à Jaulgonne (Aisne), le , et envoyé en Allemagne dans un Oflag de Poméranie. Le , il parvient à s’évader du Stalag II B, où il avait été transféré, et gagne l’Union soviétique. Il y est emprisonné, comme plus de deux cents autres Français. L’invasion allemande engagée le change la donne : la France libre étant devenue l'alliée de l’URSS, il peut, avec 185 autres évadés français, rallier le Royaume-Uni (avec notamment Pierre Billotte, Alain de Boissieu, François Thierry-Mieg, Pierre Rateau ou encore le dessinateur Tim[6]), où il s’engage dans les Forces françaises libres le sous le pseudonyme de Brilhac[7].

Affecté en 1942 au commissariat national à l'Intérieur à Londres, il devient secrétaire du Comité exécutif de propagande et chef du service de diffusion clandestine de la France libre (printemps 1942-août 1944). À ce titre, il est amené à parler plusieurs fois au micro de Radio Londres, dont il aide à préparer les émissions à destination de l'Europe occupée[8].

Vie publique d'après-guerre[modifier | modifier le code]

Il est, à la Libération, le cofondateur de La Documentation française et en devient le directeur-adjoint, puis le directeur. Il est fait conseiller d’État (1982-1986). Dans les années 1950, sans renier son attachement à l'homme du , il soutient l'expérience gouvernementale et le combat politique de Pierre Mendès France. Organisateur des colloques de Caen de 1956 et 1966 sur l'enseignement supérieur et la recherche, il est l’animateur avec Jacques Monod et le mathématicien André Lichnerowicz du Mouvement pour l’expansion de la recherche scientifique (1956-1972).

L'historien-témoin[modifier | modifier le code]

À sa retraite, Jean-Louis Crémieux-Brilhac se fait historien des épisodes de la guerre qu'il a vécus et dont il possède une connaissance intime. On lui doit principalement deux sommes, fruits d'années de recherches, et qui font aujourd'hui autorité dans la communauté des historiens.

Dans Les Français de l'an Quarante, il nuance l'idée d'une France partie à la guerre démoralisée, mal préparée et vaincue d'avance : il analyse l'évolution du moral des différentes composantes de la population française pendant la Drôle de guerre, met en évidence la réalité du « complot de la paix » et montre que l'énorme effort de guerre consenti par la France commençait à porter ses fruits juste avant l'invasion, survenue trop tôt. Son exposé des combats de mai-, fondé notamment sur les Journaux de marche, éclaire les contrastes de comportement entre les unités d'active, les divisions motorisées et l'aviation d'une part, combatives et efficaces, et les divisions dites de série B, d'autre part, plus âgées et peu aptes à contenir l'offensive adverse. Il met en lumière le sursaut national auquel ont donné lieu, du au , les batailles de la Somme et de l'Aisne.

Dans La France libre, première et à ce jour seule grande synthèse scientifique consacrée à l'épopée gaullienne, il s'appuie sur nombre d'archives inédites, qu'elles proviennent du BCRA, des États-Unis ou du gouvernement britannique, pour reconstituer l'histoire des « hommes partis de rien » (René Cassin). Si l'ouvrage laisse paraître la sympathie et l'admiration intactes pour de Gaulle, les volontaires de la France libre et leur combat, il n'hésite pas à rectifier la légende lorsqu'il le faut, en démontrant par exemple que le début de l'appel du 18 Juin a été censuré par le Foreign Office et que l'appel dit du n'a jamais été diffusé, ou que la crainte, en 1944, que les Américains placent la France sous administration militaire (AMGOT) était exagérée. Il souligne l'importance de l'œuvre de reconstruction de l'État et de rétablissement de la légalité républicaine accomplie par le Comité de la libération nationale et remet en lumière l'originalité et l'œuvre de personnalités parfois négligées, ainsi le général Catroux.

Il avait édité en 1975 une sélection fortement documentée des chroniques en français prononcées à Radio Londres pendant la guerre, et a publié en 2004 Prisonniers de la Liberté, l'histoire du périple vécu par 218 Français échappés des camps allemands, emprisonnés en URSS jusqu'à l'opération Barbarossa et dont 186 purent rallier les Forces françaises libres parmi lesquels, lui-même et les futurs généraux Billotte et Alain de Boissieu, qui devint le gendre de Charles de Gaulle.

Publications[modifier | modifier le code]

Ouvrages[modifier | modifier le code]

Préfaces[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

  • La Bataille des Glières et la guerre psychologique, Revue d'Histoire de la 2e Guerre Mondiale, no 99, .
  • Du aux , in Espoir, revue de la Fondation et de l'Institut Charles de Gaulle, no 123, .
  • Alain Minc, le livre de trop, Le Monde, 23-.
  • France — Grande-Bretagne. Deux visions de la Résistance française, Le Débat, no 177, novembre-.

Traductions[modifier | modifier le code]

  • Richard Wagner, Beethoven, Paris, Gallimard, 1970.
  • John Kenneth Galbraith, L'Ère des libéraux, Le nouvel État industriel, Paris, Gallimard.
  • J. Gay, Le Siècle des Lumières, Éditions Time-Life.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Documentaire[modifier | modifier le code]

  • Des Anglais dans la Résistance, une guerre irrégulière, documentaire de Jean-Louis Crémieux-Brilhac et Laurène L’Allinec, 60 min, 2012 ; première diffusion : France 5, .
Ce documentaire évoque le rôle du SOE britannique en soutien de la Résistance française, au travers du parcours de plusieurs figures marquantes des « réseaux Buckmaster » : Maurice Buckmaster lui-même, chef de la section F à Londres ; Sir Leonard F. Ratcliff, pilote du Squadron 161 ; Michael Trotobas (Sylvestre), chef du réseau FARMER, dans le Nord ; Harry Rée (César), chef du réseau STOCKBROKER, dans le Jura ; Richard Heslop (Xavier), chef du réseau MARKSMAN, dans l’Ain ; Claude de Baissac (David) chef du réseau SCIENTIST, et Roger Landes (Aristide), son opérateur radio qui lui succéda (ACTOR), dans la région de Bordeaux ; George Starr (Hilaire), chef du réseau WHEELWRIGHT, dans le sud-ouest (Gers, Landes et région toulousaine), et Yvonne Cormeau (Annette), son opérateur-radio ; Francis Cammaerts (Roger), chef du réseau JOCKEY en Provence, et Krystyna Skarbek-Christine Granville (Pauline), son agent de liaison ; Pearl Witherington (Pauline), chef du réseau WRESTLER dans l’Indre ; Noor Inayat Khan (Madeleine), opérateur-radio d’un sous-réseau du réseau Prosper, dans la région parisienne ; Violette Szabo (Louise), agent de liaison du réseau SALESMAN, dans le Limousin ; etc.

Décorations[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Julien Winock, Jean-Louis Crémieux Brilhac. Servir la France, servir l'État, Paris, La documentation française, 2019.
  • Jean-Louis Crémieux Brilhac, « Le « groupe Billotte » ou l'odyssée des évadés par la Russie août 1940 - septembre 1941 », Revue de la France Libre, no 163,‎ (lire en ligne)
  • « Hommage à Jean-Louis Crémieux-Brilhac » de Bertrand Renouvin publié dans Royaliste no 1077 (page 2) en date du .

Vidéographie[modifier | modifier le code]

  • Timothy Miller, Jean-Louis Crémieux Brilhac. Un républicain dans le siècle, prod. Laurence Uebersfeld, 52 min.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « http://www.calames.abes.fr/pub/#details?id=FileId-585 » (consulté le )
  2. « matchID - Moteur de recherche des décès », sur deces.matchid.io (consulté le )
  3. AFP, « Jean-Louis Crémieux-Brilhac, grande voix de la France libre, est mort », sur Libération (consulté le )
  4. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Prisonniers de la liberté : l'odyssée des 218 évadés par l'URSS : 1940-1941, Paris, Gallimard, coll. «Témoins»,
  5. « L'historien et résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac est mort », sur LEFIGARO, (consulté le )
  6. « Jean-Louis Crémieux Brilhac - Mémoire et Espoirs de la Résistance », sur Mémoire et Espoirs de la Résistance (consulté le ).
  7. Le choix de ce pseudonyme tient au domicile que J.-L. Crémieux occupe avec sa femme à Rennes, avant mai 1940, au 1 rue de Brilhac. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, L'Étrange Victoire, Gallimard, 2016.
  8. « Crémieux-Brilhac : «Les lettres à la BBC? Un lien avec la France occupée!» », sur Figaro Live, (consulté le )
  9. Décret du 31 décembre 2014 portant élévation à la dignité de grand'croix et de grand officier, Legifrance.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Archives[modifier | modifier le code]