Orage en montagne

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Cumulonimbus s'élevant au-dessus des Black Mountains (Caroline du Nord).

Les orages en montagne présentent des particularités telles qu'elles suscitent des risques importants de par leurs conséquences, notamment pour les alpinistes, les randonneurs et les parapentistes. Malgré la consultation des conditions météorologiques destinée à prévenir les accidents ainsi que les conseils dispensés à cet effet, il n'en reste pas moins que les catastrophes survenues à l'occasion de tels phénomènes demeurent souvent imprévisibles et font l'objet de romans ou récits autobiographiques en littérature.

Formation[modifier | modifier le code]

Formation d'un dôme froid quand l'air en soulèvement est stable ou ne peut atteindre le sommet de l'obstacle. L'air est alors forcé au-dessus du dôme et entraîne la formation d'un courant-jet de bas niveau.

Les orages se forment quand l'air dans une couche de l'atmosphère est très instable[1]. Une parcelle d'air soulevé à la base de cette couche est alors plus chaude que l'environnement et subit une poussée d'Archimède vers le haut. En s'élevant, sa température diminue par détente adiabatique et lorsque l'humidité relative de vapeur d'eau qu'elle contient arrive à saturation, il y a formation du nuage convectif[1]. Pour former un orage il faut que cette couche soit très grande et que la température au sommet du nuage soit sous les −20 °C.

Les montagnes peuvent favoriser le déclenchement de la convection atmosphérique de trois façons[2] :

  • soulèvement direct au niveau de convection libre dans de l'air instable par soulèvement avec un vent synoptique qui arrive avec une composante perpendiculaire aux pentes. L'air est forcé de remonter la pente et entre en convection ;
  • forçage thermique dans une situation instable où il y a une faible circulation générale mais un réchauffement diurne, les brises de montagne engendrent des vents anabatiques qui remontent aussi la pente.
  • forçage dynamique lorsque l'air est stable à bas niveau, et que la circulation est bloquée par le relief, mais que l'air est instable à plus haute altitude. Dans ce cas l'air s'accumulant à la base de la montagne, la circulation générale est forcée au-dessus de cette couche de blocage et peut atteindre le niveau de la couche convective.

Dans un cas plus général, plusieurs effets peuvent être présents et si le vent synoptique est opposé au vent anabatique, une convergence supplémentaire se produit au sommet de la montagne[3]. Il est également possible de créer une zone de convergence derrière la montagne lorsque le vent synoptique peut se diviser et faire le tour de celle-ci pour rencontrer à nouveau (ex. Zone de Convergence de Puget Sound) qui favorisera la convection[2].

Le soulèvement sert non seulement à déstabiliser l'air et former les nuages convectifs, mais il rehausse également son intensité[1]. En effet, l'air soulevé venant du bas des pentes étant plus chaud et humide que l'air environnant, l'indice de soulèvement (lifted index en anglais ou LI) sera plus négatif ce qui augmente l'extension verticale du nuage. Une simple différence de température de 2 K suffit à aggraver considérablement la violence des orages.

Phénomènes particuliers[modifier | modifier le code]

Les orages en montagne présentent des particularités du fait de la proximité des nuages, de l'importance des champs électriques, de leur rapidité d'apparition, de leur dangerosité particulière. L'élévation soudaine par le vent d'une masse d'air peut changer radicalement les conditions initiales à l'intérieur de celles-ci.

Conséquences immédiates[modifier | modifier le code]

Les phénomènes observables donnent une idée des particularités des orages en montagne.

Les alpinistes sont les plus exposés par ces phénomènes qui touchent aussi les randonneurs[4], dans les parcours en crêtes et les passages aux cols.

En plus des phénomènes courants liés à l'orage, les champs électriques plus importants provoquent des signes avant-coureurs inattendus liés particulièrement à l'ionisation de l'air, l'attraction des fibres[5]. Les alpinistes français disent alors qu'ils ont entendu « les abeilles » : soudain, sur toutes les surfaces, se créent de petites décharges bruyantes[6],[7]. Ce sont les résultats de phénomènes électriques, déjà décrits dans d'autres situations, et connus sous la désignation de feu de Saint-Elme ou d'effet corona aussi appelé effet couronne[8].

Les alpinistes, très peu mobiles, se retrouvent pris au piège en cas d'orage. Les piolets métalliques de leur équipement d'escalade peuvent se transformer en paratonnerre et attirer la foudre. Le foudroiement d'alpinistes représente un grand danger dans ces situations.

Conséquences indirectes[modifier | modifier le code]

Lave torrentielle dans le canton d'Uri, en Suisse.
Tableau Avalanche dans les Alpes, peint en 1803 par Philippe-Jacques de Loutherbourg.

La force du tonnerre, de l'éclair, de la foudre, de la pluie, de la grêle, des rafales et tourbillons de vent peuvent provoquer des multitudes de situations dangereuses, tant les phénomènes naturels sont décuplés par l'altitude[9], déclenchant notamment :

Prévention[modifier | modifier le code]

La prévision météorologique constitue un outil primordial de prévention des accidents liés aux orages de montagne[10] mais ne permet pas de les éviter totalement. Aussi de nombreux conseils sont prodigués en cas de survenue d'un orage en montagne[11].

Si les bulletins météo de la télévision s'avèrent peu utiles pour les pratiquants de la montagne, les sites des divers services nationaux de météorologie offrent des informations plus précises.

Ainsi, aux États-Unis, le National Weather Service offre des prévisions pour chaque point de son territoire, dont les secteurs montagneux. Le Service météorologique du Canada et le Met Office britannique proposent aussi des services semblables.

En France, les services départementaux de Météo France donnent également une information plus spécialisée[12]. De même, la consultation des sites suivants s'avère particulièrement recommandée :

Récits d'orages de montagne dans la littérature[modifier | modifier le code]

Roman[modifier | modifier le code]

  • Premier de cordée de Roger Frison-Roche : « Bientôt le Dru serait à l’épicentre du combat. Les feux follets crépitaient sans discontinuer sur la robe de la Vierge : on eût dit qu’un poste invisible émettait des messages avec l’espace; d’étranges bruits emplirent l’air; cela arrivait comme un bourdonnement aux oreilles des grimpeurs et en même temps il leur semblait qu’une invisible main tirait, tirait leur chevelure. Entends-tu, Georges ? Les abeilles… entends-tu, les abeilles bourdonnent ! Vite ! partons ! la foudre est sur nous. »

Adapté au cinéma en 1944 : film de Louis Daquin avec Maurice Baquet (Assistant-réalisateur : Jean Paillière) puis à la télévision en 1999 : téléfilm réalisé par Pierre-Antoine Hiroz et Édouard Niermans, il présentera au grand public le spectacle de la montagne ainsi que le vécu des guides de haute montagne dans ces situations extrêmes.

Autobiographies[modifier | modifier le code]

Walter Bonatti en 1965
  • Les Conquérants de l'inutile de Lionel Terray : surpris en pleine ascension du mont Maudit, l'auteur écrit « Au début de l’après-midi, alors que nous approchions du sommet, l’orage fondit sur nous, des aigrettes d’étincelles se formaient au-dessus des pompons de nos bonnets et j’éprouvai à nouveau la peur panique que provoquent en moi ces déchaînements de la nature. »
  • le célèbre alpiniste britannique Chris Bonington[15] affirme : « J’ai souvent bivouaqué pour attendre le beau temps, passé des nuits dans la tempête… Dans un orage, il n’y a rien d’autre à faire que s’asseoir, attendre que ça passe, la trouille au ventre… ».
  • Montagne pour un homme nu[16] de Pierre Mazeaud : cet ouvrage rapporte la tragédie du pilier du Frêney au mont Blanc du (où sept alpinistes furent surpris par une violente tempête sur le pilier du Frêney, tout près du sommet du mont Blanc. Cent dix heures plus tard, l'hélicoptère débarquait trois survivants à Courmayeur ; parmi eux Walter Bonatti[17] et Pierre Mazeaud[18].) Ce dernier raconte : « Assis sur mes étriers, je pitonne, quand j’entends à la frappe une sonnerie ressemblant quelque peu au téléphone. Mes compagnons, quarante mètres en-dessous, dressent l’oreille. Bientôt, je sens des douleurs dans mes doigts, des flammèches courent sur mon marteau. Les mousquetons que j’ai en bandoulière me collent aux doigts (…) Un pendule me pose près de Pierrot, quand un éclair d’une étonnante lueur le frappe au visage, exactement à l’oreille où son appareil auditif se noircit. Il tombe dans mes bras, hagard, écœuré, sans réaction… ». Pierre Kohlmann[19] ne sera pas tué sur le coup mais le choc semble lui avoir fait perdre la raison. Durant les plusieurs jours que durera le calvaire de la descente, il ne dira plus un mot… Il finira par s’effondrer à quelques mètres du salut, dernière victime d’un terrible orage qui tua quatre alpinistes[20].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Cumulonimbus », Glossaire de la météorologie, Météo-France, (consulté le )
  2. a et b Julien Vetter, Contribution d’un code de calcul météorologique méso-échelle à la climatologie des pluies en zone de relief : Phénomènes liés au relief en atmosphère instable, Cemagref, coll. « Thèse de J. Vetter », (lire en ligne [PDF]), p. 17-21.
  3. Storm and Cloud Dynamics V2, p. 351
  4. « Randonneurs tués dans une coulée de boue en Corse : "On les avait prévenus du risque" », L'Obs,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Les orages — CultureSciences-Physique - Ressources scientifiques pour l'enseignement des sciences physiques », CultureSciences-Physique - Ressources scientifiques pour l'enseignement des sciences physiques,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  6. Club alpin français Section du Sud-Ouest Auteur du texte, « Revue pyrénéenne / Section du Sud-Ouest du Club alpin français et Ski-club bordelais », sur Gallica, (consulté le ), p. 4,5 et 6.
  7. Météo de la montagne, p. 111.
  8. « Effet couronne sur les réseaux électriques aériens | Techniques de l'Ingénieur », sur www.techniques-ingenieur.fr (consulté le ).
  9. a b c et d Michel Chardon, « Essai d'approche de la spécificité des milieux de la montagne alpine », Revue de géographie alpine, vol. 77,‎ , p. 15–28 (DOI 10.3406/rga.1989.2727, lire en ligne, consulté le ).
  10. « Petit manuel de météo de montagne », Le Guide Météo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. JL Champetier, « QUE FAIRE EN CAS D'ORAGE », sur www.clubalpin-tarbes.org (consulté le ).
  12. Météo de la montagne, p. 171
  13. « Conditions montagne générales, alpinisme, cascades, ski », sur www.fondazionemontagnasicura.org (consulté le )
  14. « KERAUNOS - Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents - Prévision, suivi et étude des orages en France », sur www.keraunos.org (consulté le )
  15. Chris Bonington, Les horizons lointains : Souvenirs d'une vie d'alpiniste, Primento, , 480 p. (ISBN 978-2-511-00656-6, lire en ligne).
  16. Arthaud, 1971, 304 pages (ISBN 208131343X et 9782081313439).
  17. Walter Bonatti, Montagnes d'une vie, Paris, Arthaud, (ISBN 2-7003-1144-2), chap. XII (« La grande tragédie du pilier central (1961) »).
  18. « Il y a 50 ans, la tragédie du Frêney », Le Dauphiné libéré,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  19. « [Association Pierre Kohlmann] Pierre Kohlmann », sur archive.is (consulté le ).
  20. lyrik13travel, « Walter Bonatti au pilier du Frêney (Mont Blanc) », (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]