Pierre Molaine

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Pierre Molaine
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Pierre Molaine en 1950.
Nom de naissance Léopold Maurice Albert Faure
Naissance
Voiron, France
Décès (à 94 ans)
Lyon 3e, France
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture Français
Genres

Pierre Molaine, pseudonyme[1] de Léopold Faure né à Voiron (Isère), le et mort à Lyon le [2], est un écrivain français.

Biographie[modifier | modifier le code]

Le temps de formation[modifier | modifier le code]

Né à Voiron en 1906, Pierre Molaine passe sa jeunesse dans la ville de Thiers « accrochée aux rochers par les ongles du temps », où son père (Albert Faure) est professeur de lycée[3]. C'est un élève brillant, très tôt tourné vers la littérature. À l’âge de 18 ans, il gagne Paris pour y suivre un enseignement universitaire de lettres et de droit. En 1923, il signe son premier article sur Henry Bordeaux dans Le Petit Dauphinois.

Nommé surnuméraire de l’Enregistrement (1924), il démissionne très vite (1925) de l’administration des Finances et incorpore, en , après expiration de son sursis d'incorporation, le 13e Bataillon de chasseurs alpins de Chambéry[4]. Élève officier de réserve, il intègre, le , l’École Militaire de Saint-Maixent et se voit affecté le au 92e régiment d’Infanterie de Clermont-Ferrand pour servir en situation d'activité avec le grade de lieutenant. Admis à l’École des Chars de combat de Versailles[5], après deux ans d'étude, il est nommé comme lieutenant d’active au 92e régiment d’Infanterie.

Carrière militaire et activité littéraire[modifier | modifier le code]

La première œuvre qu’il publie, sous le pseudonyme d’Yvan Kalinine, en 1938, Frères humains (Éditions Corrêa[6]) est un recueil de nouvelles.

insigne de régiments de chars
Insigne de régiments de chars de combat

La déclaration de guerre le conduit à Lunéville, comme officier (capitaine) adjoint au commandant du parc de chars de combat de la Ve armée, en la circonstance le colonel Charles de Gaulle. Pierre Molaine gardera de l'homme une impression très forte qu’il restitue, non sans une évidente distance ironique, dans son roman Le Sang (Éditions Calmann-Lévy, 1967).

Mis en congé d'Armistice, Molaine sera affecté au 18e régiment d’Infanterie à Tarbes, puis, le , à l’Établissement central de Cavalerie à Lyon[7]. Séduit par l'Organisation de résistance de l'armée, il peut ainsi participer aux actions anti-allemandes du CDM[8] (Camouflage du matériel)

Malgré l'état de la France, probablement même à cause de lui, l'activité d'écriture de Molaine ne connut pas de sommeil : en 1943, en effet, va paraître, sous le pseudonyme de "Pierre Molaine"[9] aux éditions Corrêa, son premier roman, Samson a soif. Immédiatement après cette parution, l'auteur se voit interdit de toute publication par les autorités allemandes d'occupation et l'ouvrage subit, dans le Petit Parisien, les foudres de l'écrivain-collaborateur Robert Brasillach[10]. Violences, nouveau roman, avait vu ses plombs détruits en 1943 par les Allemands[11], plusieurs milliers d'exemplaires seront saisis par la Gestapo[12], et il faudra attendre 1945 pour que, daté de 1942, achevé d'imprimer le , l'ouvrage puisse être définitivement publié par les éditions Corrêa et obtienne des voix (trois voix contre cinq) au prix Renaudot.

La résistance
La Résistance

En 1944, il épouse France Chambost (1923-), leurs vies devant, dès lors, se confondre jusqu'à la fin, puisque celle-ci ne lui survivra que deux mois.

Avec Batailles pour mourir (Éditions Corrêa, 1945), De Blanc vêtu (Éditions Corrêa, 1945), Mort d'homme (Éditions Corrêa, 1946), Hautes Œuvres (Éditions Corréa, 1946), romans à la publication desquels s'était opposée la censure allemande, Pierre Molaine nous introduit dans l’épopée de l’arme blindée durant les années 1939-1940. Batailles pour mourir et Violences constituent ainsi une sorte d'apologie de la bravoure, comprise et vécue comme une vertu essentielle qui dispense de toutes les autres.

En 1948, Molaine est nommé comme Ingénieur-Commandant du Corps du Matériel. C'est l'époque d'une amitié féconde avec le romancier Charles Plisnier[13]. Les affres de la maladie et de la guerre contraindront Molaine à un séjour de plusieurs mois (mars/) à l'hôpital Desgenettes de Lyon, séjour durant lequel va mûrir le sujet de Les Orgues de l'enfer (Éditions Corrêa), roman qui fera de l'auteur le lauréat du prix Renaudot en 1950. L’argument de ce roman ne se révèle que dans les vingt dernières pages : il s’agit d’un agitateur politique qui, recherché par la police, a trouvé refuge dans la section de neuropsychiatrie d’un grand hôpital[14].

Avant son affectation à la direction de la 7e région militaire (Dijon), en 1953, Pierre Molaine aura le temps de produire un nouveau roman Cimetière Saint-Médard (Éditions Corrêa, 1952), lui aussi voué à la violence, au terrible, au furieux. Le contexte débilitant du moment, particulièrement les guerres coloniales qu'il n'approuvait pas, a-t-il favorisé chez cet admirateur de Bernanos la composition d’un essai sur la Sainte Vierge intitulé l’Itinéraire de la Vierge Marie (Éditions Corrêa, 1952) ? Dans cet ouvrage, en effet, l'auteur évoque un pèlerinage sur les pas de la Vierge, au fil des différents lieux de ses apparitions. Les accès de spiritualité qui ont alimenté alors l’inspiration de Pierre Molaine l’ont conduit à la rédaction d’un ouvrage au titre expressif, Satan comme la foudre (Éditions Corrêa, 1955).

Professorat, activité littéraire, retraite, derniers écrits[modifier | modifier le code]

En 1958, Pierre Molaine quitte définitivement l’armée et intègre l’administration de l’Éducation nationale. Devenu tardivement professeur de lettres et renouant ainsi avec le contenu de ses études universitaires premières, il puise dans sa nouvelle fonction le thème de J’ai rêvé de lumière (Éditions Calmann Lévy, 1963) et l'inspiration d'une satire féroce :Du lycée papillon au lycée Ralbol, charge sévère contre le monde éducatif, parue en inédit posthume après sa mort.

La Bidoche (Éditions Calmann Lévy, 1965), au contenu provocateur, constitue l’avant-dernier livre publié de Pierre Molaine : un professeur d’université est en train de mourir et il imagine son décès et ses obsèques, occasion pour lui de percer à jour une réalité tragi-comique. Mais c'est avec Le Sang (Éditions Calmann-Lévy, 1967), triptyque désinvolte et incisif consacré à la drôle de guerre[15], que s'achève la production littéraire officielle de Molaine.

En 1975, pourtant, sous le pseudonyme de Jean-Luc Faber, paraîtra un roman Où je vais, nul ne meurt (Éditions Denoël)[16], avec pour thème la révolte des Bagaudes, expression narrative symbolique de la Résistance intérieure française. Si Molaine a renoncé, en la circonstance, à son pseudonyme officiel, c'est qu'il s'était adjoint, pour ce livre, la collaboration d'un professeur de Lettres, un proche, derrière lequel il a voulu s'effacer.

Personnalité littéraire volontairement discrète et naturellement modeste[17], peu encline aux compromissions, Pierre Molaine laisse derrière lui une œuvre variée, des personnages passionnés, une quête effrénée de la grandeur, même dans le Mal. Œuvre inachevée puisque, s'il avait définitivement rompu avec la littérature et son monde dans les années 1970, il poursuit, dans la solitude de sa retraite une activité d’écriture régulière et, grâce à la découverte de riches archives, ses manuscrits inédits originaux sont, à ce jour, progressivement publiés.

Pierre Molaine est mort à Lyon, le . Il repose aujourd’hui au cimetière de Sainte-Foy-lès-Lyon, non loin de Claude Farrère.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

Nouvelles[modifier | modifier le code]

  • Frères humains, nouvelles (pseudonyme Yvan Kalinine), Corréa, Paris, 1938.
  • La Patrouille, nouvelle, Les Nouvelles littéraires, no 941, 1945.
  • Canicule, nouvelle, Lectures de Paris, 1946.
  • Mission de printemps, nouvelle, Horizon, Revue des Lettres, no 6, 1946 (version courte), Pages françaises, no 20, 1947 (version courte), les Œuvres libres, no 57, 1951 (version définitive).
  • Beau syre et vous ma mye, nouvelle, L'Âge nouveau, 1951.
  • Trêve des armes, nouvelle, Le Progrès, .
  • Mon dernier village, nouvelle, Entretiens sur les Lettres et les Arts, no 14, 1958.
  • Journal d'un lieutenant Lambda (Extraits, 1939), nouvelle, Entretiens sur les Lettres et les Arts, no 18, 1960.

Essais[modifier | modifier le code]

  • L'Itinéraire de la Vierge Marie, essai, Corrêa, Paris, 1953.
  • Célébration de la grenade, essai, Robert Morel, 1962.

Articles, préfaces et autres écrits[modifier | modifier le code]

  • Plisnier, tel qu'il est, Les Nouvelles littéraires, no 966, 1946.
  • Plisnier, Marginales, Revue des idées, des arts et des lettres, 1947.
  • Poètes fantaisistes, L'Époque littéraire, .
  • Portrait d'un homme connu, Le Bayou, no 46, Université de Houston, Texas, 1951.
  • André Gide - A lui-même comparé, Pages libres des écrivains dauphinois, nos 5-6, 1951.
  • La nature éducatrice, Famille et collège, t. X, no 1, 1951.
  • Riollet aux mains pleines, Quo vadis, 1953.
  • Présentation de Marius Riollet, in Le Tout Puissant ou le plus fort que l'amour, Nouvelles Éditions de Paris, 1954.
  • Taille d'homme, Famille et collège, t. XV, no 1, 1956/1957.
  • Si j'avais une fille…, Famille et collège, t. XV, no 3, 1956/1957.
  • Roussel, mon ami, L'Âge nouveau, no 100, 1957.
  • L'homme Plisnier, Cahiers des amis de Charles Plisnier, no 3, 1958.
  • Interrogations, Famille et collège, t. XVII, no 4, 1958/1959.
  • Nos élèves ne sont pas des robots, Famille, collège et institut, t. XVIII, no 5, 1959/1960.
  • Les Saints de tous les jours, Robert Morel, no 6 à 12, 1959-1962.
  • Ce qu'un enseignant attend des parents, Famille, collège et institut, t. XXII, no 2, 1963.
  • Avertissement, La Comédie de Lyon, Les Cahiers classiques des Célestins, 1964-1965.
  • Mille francs de récompense…, présentation de la pièce de V. Hugo, Comédie de Lyon, 1966.
  • Raoul Bécousse, Préface, Subervie, 1974.

Écrits inédits posthumes publiés[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. C'est Edmond Buchet qui incitera Léopold Faure à adopter ce pseudonyme définitif : « Je lui propose Molaine, c'est le nom d'un vent de mon pays… Il l'adopte aussitôt. Comme prénom, nous tombons d'accord sur Pierre, en souvenir d'un autre grand baptême », Les Auteurs de ma vie, Buchet-Chastel, Paris, 1969, page 82,
  2. État civil sur le fichier des personnes décédées en France depuis 1970
  3. La ville de Thiers apparaît dans plusieurs de ses romans, dont Samson a soif et J'ai rêvé de lumière.
  4. Les références à la carrière militaire de Léopold Faure (Pierre Molaine) sont extraites de État des services de Léopold Faure, Ministère des Armées, République française, 15 avril 1960.
  5. avec le no 2/227, Journal Officiel du 20 septembre 1930.
  6. « Nous avions édité l'année dernière un recueil de nouvelles très remarquables d'un auteur qui signait du nom d'Yvan Kalinine. Nous ne l'avions jamais vu et ne savions rien de lui, sinon qu'il habitait Lyon. J'ai donc profité de mon passage dans cette ville pour le rencontrer. Ce Kalinine, en réalité, s'appelle Faure et il est officier de carrière, ce qui l'empêche de signer de son nom véritable. Il écrit par nécessité, comme il faut écrire, dans la solitude absolue, loin de tout milieu littéraire. », Edmond Buchet, Les Auteurs de ma vie, Buchet-Chastel, 1969, p. 80
  7. qui deviendra en 1942 Établissement des véhicules spéciaux, puis en 1943 Établissement de rechanges automobile, .
  8. Armée de Vichy
  9. «Je remarque… qu'il n'est pas très indiqué, en ce moment, de prendre le nom du président de l'URSS. "Eh bien, trouvez-m'en un autre", me dit-il. Je lui propose Molaine ; c'est le nom d'un vent de mon pays, un nom qui vient de la Savoie, d'où Faure est originaire. Il l'adopte aussitôt. Comme prénom, nous tombons d'accord pour Pierre en souvenir d'un autre grand baptême. », Edmond Buchet, Les Auteurs de ma vie, Buchet-Chastel, 1969, page 81
  10. La chronique littéraire de Robert Brasillach dans le Petit parisien, Pensée universelle, 1985
  11. Pascal Fouché, L'Édition française sous l'Occupation, vol 1, page 65 sqq, 1987.
  12. sur ordre d'Eduard Wintermayer, directeur de la Propaganda Abteilung.
  13. Paul Aron, Charles Plisnier : entre l'évangile et la révolution , Éditions Labor, 1988, p. 144-145. (Les lettres de Charles Plisnier à Pierre Molaine se trouvent réunies dans le Fonds Pierre Molaine à la Bibliothèque municipale de Lyon)
  14. «C’est en 1947, au cours d’un séjour forcé de trois mois à l’hôpital militaire de Lyon, qu'il se trouve placé devant le spectacle particulièrement affligeant des pensionnaires des asiles d'aliénés. Il compatit profondément… et ainsi naît dans son esprit le chant obsédant des Orgues de l'enfer. Cet admirable dialogue tantôt dramatiquement humain et tantôt grotesque, tantôt s’élevant sur les sommets de la poésie et tantôt sombrant dans une satire particulièrement amère, violente et désabusée, c'est pourtant à Céline, mais à un Céline mesuré, châtié et soucieux de la forme qu’il nous fait penser. Avec Pierre Molaine, le lyrisme rentre dans le roman contemporain et s'y arroge la place d’honneur.» Georges Boudaille, Arts, 6 décembre 1950
  15. «Le Sang… constitue un des témoignages les moins récusables qui soient sur 1939 et sur l'Occupation et, en outre, une œuvre littéraire sans faiblesses.», André Marissel, Revue Esprit, juillet 1967
  16. Le manuscrit original de ce roman a été mis au jour dans les archives de l'auteur et publié en 2011 sous le titre Un merle chantait à Josaphat.
  17. «Tout nouveau visage lui fait peur. Il ne veut pas que je lui présente un seul critique.», Edmond Buchet, Les Auteurs de ma vie, Buchet-Chastel, Paris, 1969, page 97

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