Robert Merle

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Robert Merle
Robert Merle en 1964.
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Robert Merle, né le à Tébessa (Algérie) et mort en son domaine de La Malmaison à Grosrouvre (Yvelines) le , est un écrivain français, auteur de traductions, pièces de théâtre, biographies et de 24 romans, parmi lesquels Malevil, Les hommes protégés, Un animal doué de raison ou encore le prix Goncourt 1949 et la série des treize Fortune de France, consacrée aux débuts de l'époque moderne en France, écrite dans la langue de l'époque, aménagée pour faciliter la lecture, dont un million d'exemplaires ont été vendus[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines[modifier | modifier le code]

Robert Merle est né à Tébessa (en Algérie) le [2], qu'il a quittée à l'âge de dix ans[3] sans avoir eu le temps d'apprendre l'arabe[3]. Toute sa famille est "pied-noir"[3]. Son arrière- grand-père a fait partie des paysans pauvre du Cantal, envoyés par le gouvernement de Napoléon en Algérie pour faire une colonie de peuplement[3], sur "une terre prise aux Arabes"[3].

Il est le fils de Félix Merle (1871-1915[4]), né en Algérie, militaire de carrière[5], qui était un grand interprète d'arabe[3], maitrisant l'arabe littéraire et l'arabe dialectal[3], d'abord officier interprète, puis interprète judiciaire, après avoir quitté l'armée[3]. Soldat à la bataille des Dardanelles en 1915, puis rapatrié à Marseille en raison d'une fièvre typhoïde. Le père est mort alors que son fils avait à peine six ans[5] et ce décès place sa famille en situation de pauvreté[5].

Formation[modifier | modifier le code]

Même s'il est excellent élève, ceux des grands lycées parisiens lui font sentir leur différence sociale[5]. Admis en classes préparatoires (hypokhâgne et khâgne) du lycée Louis-le-Grand, titulaire d'une licence de philosophie, agrégé d'anglais (reçu 1er au concours), Robert Merle consacre sa thèse de doctorat ès lettres à Oscar Wilde et devient professeur, successivement, aux lycées de Bordeaux, Marseille, puis à Neuilly-sur-Seine[6] où il fait la connaissance de Jean-Paul Sartre, à l'époque professeur de philosophie.

Carrière universitaire[modifier | modifier le code]

Mobilisé en 1939, Robert Merle est agent de liaison avec les forces britanniques. Fait prisonnier à Dunkerque, il témoignera de son expérience dans la poche de Dunkerque dans un documentaire d'Henri de Turenne[7] et dans son roman Week-end à Zuydcoote ; il reste en captivité jusqu'en 1943.

En 1944, de retour de captivité, il devient maître de conférences d'anglais à l'université de Rennes, puis professeur en 1949 tout de suite après sa thèse de 1948[3]. Il a fondé un théâtre d'étudiants à Rennes, pour jouer des pièces d'Oscar Wilde, la troupe s'appelant « Les Jeunes comédiens », tous devenus professionnels[3]. Il a ensuite écrit des pièces, souvent après avoir fini un roman, dont un porte sur l'assassinat du Duc de Guise[3].

Il a été successivement Professeur des universités à Toulouse, Caen, et Rouen. Il enseigne aussi à l'université d'Alger après l'indépendance de l'Algérie[3], puis enfin Nanterre[3] où il se trouve en mai 1968[3]. Cette dernière expérience a inspiré son roman Derrière la vitre pour lequel il a reçu de nombreux étudiants en leur demandant de répondre à ses questions[3]. Dès novembre 1967, il a fait circuler une petite annonce sur le campus[8], dans le but d'effectuer une trentaine d'entretiens avec des étudiants d'origine et de profils différents[8]. Il conserve les notes prises lors des entretiens pour en faire une synthèse[8] non dénuée d'humour et légèrement romancée. En 1969, excédé par la déliquescence de l'ambiance à Nanterre, il demande un congé pour se consacrer entièrement à la littérature[3].

Carrière littéraire[modifier | modifier le code]

Il remporte en 1949[9] le prix Goncourt pour son premier roman, Week-end à Zuydcoote, "acquis par neuf voix sur dix", la dixième allant au Le Jeu de patience de Louis Guilloux, qui a obtenu par ailleurs le Prix Renaudot[3]. Ce dernier était fortement soutenu par André Billy[10]. Les deux livres ainsi couronnés sont édités par Gallimard, [9].

Le curé de Zuydcoote a brûlé le livre en public, "interdit à la mercière qui diffusait quelques livres" de le vendre et même "mené une enquête" pour savoir quelles femmes avaient servi de modèles[3].

Flaminéo, sa pièce écrite en 1951, pose, selon Louis Aragon, les fondements de l'oeuvre suivante, La Mort est mon métier, qui sera adaptée au cinéma dans les années 1970 et s'appuie aussi sur une enquête approfondie[11]. Le livre met en scène le personnage de Rudolf Lang, qui est « une re-création étoffée et imaginative de la vie de Rudolf Höss[12] », écrite d’après les mémoires de Höss lui-même (Le commandant d'Auschwitz parle) et le résumé, communiqué à l'auteur, des entretiens que le psychologue américain Gustave M. Gilbert eut avec Höss dans sa cellule lors du procès de Nuremberg ; suivie d'une description, d’après les documents du procès de Nuremberg, de la « lente et tâtonnante mise au point de l’Usine de Mort d’Auschwitz[12] ».

Dans son oeuvre, il cite plus généralement de vrais noms reproduisant les lieux lui sont familiers Mespech, Taniès, Marcuays, Sireil, Sarlat. Pierre de Siorac, héros de Fortune de France reçoit la seigneurie du "Chêne Rogneux", nom d'un hameau près de Grosrouvre, près de Montfort l'Amaury tandis que son valet Miroul a une petite seigneurie à "La Surie", autre hameau de ce village[3]. Ses romans se veulent "à la fois longuement mûris et très précisément documentés", dans un "souci de rigueur et d'exactitude"[3], démarche dont l'archétype est "La mort est mon métier"[3], devenu un "classique à cause de la façon très rigoureuse de procéder"[3], l'auteur ayant "passé quatre mois à les dépouiller" les archives du Procès de Nuremberg[3], en allemand, langue qu'il avait été amené à pratiquer pendant sa captivité[3].

Robert Merle n'utilise ni stylo ni ordinateur ni machine à écrire[3], même s'il concède qu'il "irai certainement plus vite" avec[3]. Il préfère tremper sa plume dans l'encrier[3]. Il a traduit avec sa femme, qui était agrégée d'anglais[3], plusieurs livres, dont un sur les Rockefeller, estimant "ahurissant de découvrir quelles sont les mœurs des grands crocodiles de la finance et de l'industrie"[3].

Engagement politique[modifier | modifier le code]

Né à droite[5], discret sur sa vie[5], mais d'une oeuvre qui transpire l'autobiographie[5], il adhéra au Parti communiste français en 1977 mais prit ses distances deux ans après, après avoir critiqué l'invasion de l'Afghanistan par l'Union soviétique[13].

Vie privée et mort[modifier | modifier le code]

Robert Merle s'est marié trois fois[14] et a eu six enfants[15]. Il a cosigné les traductions de sa troisième épouse, Magali Merle[16]. Celle-ci se suicide[5].

Il meurt à l'âge de 95 ans le en son domaine de La Malmaison à Grosrouvre, dans les Yvelines[17]. Il est inhumé au cimetière d'Aiguillon, dans le Lot-et-Garonne[18].

Héritage[modifier | modifier le code]

En 2008, son fils Pierre Merle a publié une volumineuse biographie illustrée d'une vingtaine de photos : Robert Merle. Une vie de passions (Éditions de l'Aube, 2008, réédition De Fallois, 2013). L'ouvrage débute par une question : « Par quelle alchimie de hasard et de nécessité, Robert Merle, ce gosse courant dans les rues d'Alger, est-il devenu un écrivain ? » L'histoire mouvementée de son enfance, de son adolescence parisienne, de sa captivité en Allemagne, de ses engagements politiques et de ses amours constitue une « main du destin », minutieusement décrite, et la trame fondatrice d'une œuvre d'une grande diversité littéraire. L'ouvrage montre que la grande saga de Fortune de France (13 tomes), très documentée et très fidèle à l'histoire de France, est aussi, à travers les deux personnages de Pierre de Siorac et de son fils Pierre-Emmanuel, une autobiographie romancée de Robert Merle, un mélange continuel de sa vie réelle et de sa vie rêvée. Pour le centenaire de sa naissance, cette biographie est un éclairage particulier de la vie et de l'œuvre de celui que Le Monde a appelé le « plus grand romancier de littérature populaire en France »[19].

En 2016, Anne Wattel a soutenu une thèse sur l'œuvre de Robert Merle : « Robert Merle, écrivain singulier du propre de l'homme ». « Robert Merle est au purgatoire des Belles-Lettres françaises. Quelque chose dans sa trajectoire, qui va du prix Goncourt avec son tout premier roman, Week-end à Zuydcoote, aux treize tomes d’une saga historique, Fortune de France, a semble-t-il sonné le glas de sa consécration. Et ce quelque chose tient sans doute à la singularité d’un écrivain franc-tireur, allergique à toute mode, à toute école, à tout parti (…).Toujours il s’est agi, pour cet écrivain-militant, de poursuivre le combat, envers et contre l’amnésie, les œillères, les mensonges, et de le poursuivre pour les générations à venir »[11].

Œuvres[modifier | modifier le code]

Romans[modifier | modifier le code]

Robert Merle a été marqué par la guerre et par sa captivité de 1940 à 1943. Ceci explique que beaucoup de ses romans traitent de la hantise du lieu clos et de la guerre. Par ailleurs, nombre de personnages de ses romans sont inspirés par ses proches et sa vie privée.

Série Fortune de France (romans historiques)[modifier | modifier le code]

Robert Merle (1985).

La série Fortune de France est une fresque historique s'étendant de 1547 à 1661, dont un million d'exemplaires ont été vendus[1]. La première partie (6 premiers tomes) est décrite à travers les yeux de Pierre de Siorac, personnage fictif, noble à la cour.

La seconde partie (7 tomes a priori interrompus par son décès), à travers ceux de son fils, Pierre-Emmanuel.

Les castings pour une adaptation en série télévisée de cette série, sous forme de série produite par France Télévisions avec Nicolas Duvauchelle on débuté en 2023[20]. En décembre 2023, la presse régionale signalait le "plus gros tournage de l’année en Dordogne"[21]. La série a recruté 800 figurants, en particulier pour la scène d’ouverture au château de Biron[21].

Théâtre[modifier | modifier le code]

  • 1950 : Tome I : Flamineo, Sisyphe et la mort, Les Sonderling
  • 1957 : Tome II : Nouveau Sisyphe, Justice à Miramar, L'Assemblée des femmes (d'après Aristophane)
  • 1992 : Tome III : Le Mort et le Vif suivi de Nanterre la Folie (adaptation de Sylvie Gravagna)
  • 1996 : Pièces pies et impies

Essais et récits[modifier | modifier le code]

  • 1948 : Oscar Wilde, appréciation d’une œuvre et d’une destinée (essai)
  • 1955 : Oscar Wilde ou la « destinée » de l'homosexuel (essai)
  • 1959 : Vittoria, Princesse Orsini (biographie)
  • 1965 : Moncada, premier combat de Fidel Castro (histoire contemporaine)
  • 1965 : Ahmed Ben Bella (histoire contemporaine)
  • 1986 : Le jour ne se lève pas pour nous (récit-reportage sur la vie à bord du sous-marin français L'Inflexible)

Traductions[modifier | modifier le code]

  • Erskine Caldwell, Les Voies du seigneur (Gallimard, 1950)
  • John Webster, Le Démon blanc (Aubier, 1950)
  • Jonathan Swift, Les Voyages du capitaine Gulliver : Le Voyage à Lilliput (Éditeurs français réunis, 1956)
  • Jonathan Swift, Les Voyages du capitaine Gulliver : Le Voyage à Brobdingnag (Éditeurs français réunis, 1956)
  • Jonathan Swift, Les Voyages du capitaine Gulliver : Le Voyage chez les Houyhnhnms (Éditeurs français réunis, 1960)
  • (avec Magali Merle) Ernesto Che Guevara, Écrits 1 Souvenirs de la guerre révolutionnaire (Maspero, 1967)
  • (avec Magali Merle) Ernesto Che Guevara, Écrits 2 Œuvres révolutionnaires, 1959–1967 (Maspero, 1968)
  • (avec Magali Merle) Ralph Ellison, Homme invisible, pour qui chantes-tu ? (Grasset, 1969)
  • (avec Magali Merle) Peter Collier et David Horowitz, Les Rockefeller, une dynastie américaine (Seuil, 1976)

La traduction prévue du Voyage à Laputa — troisième partie de l'œuvre de Swift — n'a jamais vu le jour[22]. D'après la biographie de son fils Pierre, les traductions que Robert Merle a cosignées avec Magali Merle, sa troisième épouse, sont en réalité principalement le fait de celle-ci[16].

Préfaces[modifier | modifier le code]

Récompenses[modifier | modifier le code]


Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Portrait de Robert Merle », Lire.fr,‎ (lire en ligne)
  2. Encyclopædia Universalis, « ROBERT MERLE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab et ac "Robert Merle. Homme de tolérance, écrivain rigoureux" par Jean-Pierre Tusseau, dans Nuit blanche, magazine littéraire québecquois. Numéro 67, été 1997 [1]
  4. Mort pour la France.
  5. a b c d e f g et h "Merle, père et fils", dans La Croix le 2 juillet 2008 [2]
  6. « Le romancier Robert Merle est mort », sur lemonde.fr, (consulté le )
  7. [vidéo] « Bataille de France » sur YouTube, à 1:09:40.
  8. a b c d et e "22 mars 1968 : une journée particulière à Nanterre. Retour sur le roman Derrière la vitre de Robert Merle" par Jacques Cantier [3]
  9. a et b "M. Robert Merle obtient le prix Goncourt et M. Louis Guilloux le prix Théophraste Renaudot", Le Monde du 6 décembre 1949 [4]
  10. Du côté de chez Drouant : Le Goncourt de 1922 à 1949 émission de Pierre Assouline sur France Culture le 3 août 2013.
  11. a et b Anne Wattel, Robert Merle, écrivain singulier du propre de l'homme, Septentrion,
  12. a et b Robert Merle, Préface à la réédition de La mort est mon métier, en 1972.
  13. Pascale Frey, Robert Merle, le familier des rois, lexpress.fr, 1er avril 2001
  14. « Merle, père et fils », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  15. « Place Publique Rennes », sur www.placepublique-rennes.com (consulté le )
  16. a et b Pierre Merle, Robert Merle. Une vie de passions (Éditions de l'Aube, 2008 ; réédition De Fallois, 2013).
  17. « Domaine de la Malmaison », sur lamalmaison.net.
  18. Cimetières de France et d'ailleurs
  19. Le Monde du .
  20. "Dordogne : 800 figurants recherchés pour le tournage de « Fortune de France »" par Franck Delage dans Sud Ouest le 20 janvier 2023 [5]
  21. a et b "Dans les coulisses du plus gros tournage de l’année en Dordogne" par Nancy Ladde dans Sud Ouest le 24 décembre 2023 [6]
  22. Amélie Derome, Les Traductions en langue française de Gulliver’s Travels de Jonathan Swift (1727–2017) : une conquête temporelle entre éternité et fragilité, thèse, Aix Marseille Université, 2021, p. 20.
  23. Remise du prix de la Fraternité, Droit et Liberté no 211, juillet 1962, page6-7 (Consulté le 03/12/2020)
  24. 7 d'Or, imdb.com (Consulté le 13/04/2024)
  25. Le Glaive et les Amours, babelio.com.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]