Séverine

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Séverine
Portrait photographique de Séverine par Nadar.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 73 ans)
PierrefondsVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Nom de naissance
Caroline RémyeVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Arthur Vingtras, Séverine, SéverinVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Rédactrice à
Conjoints
Antoine-Henri Montrobert (d) (de à )
Adrien Guebhard (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfant
Roland Guebhard (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Partis politiques
Idéologie
signature de Séverine
Signature

Séverine, pseudonyme de Caroline Rémy, née le à Paris et morte le à Pierrefonds, est une écrivaine et une journaliste française, libertaire et féministe[1].

Elle est la première femme à diriger un grand quotidien, Le Cri du peuple, de 1885 à 1888.

Biographie[modifier | modifier le code]

Famille et vie privée[modifier | modifier le code]

Caroline Rémy est la fille d’un inspecteur des nourrices à la préfecture de police de Paris. En 1871, elle est mariée, sans son consentement, à Antoine-Henri Montrobert, un employé du gaz, dont elle se sépare rapidement, malgré la naissance d'un fils. Elle devient ensuite la compagne d’Adrien Guebhard (1849-1924), professeur de médecine, issu d’une famille suisse fortunée, qu’elle épouse en 1885, quand le divorce est de nouveau autorisé en France ; elle a avec lui un autre fils, Roland (1880-1929)[2].

Journalisme et féminisme[modifier | modifier le code]

C'est à l'occasion de cette naissance qu'elle fait la connaissance, à Bruxelles, du proscrit Jules Vallès, en 1879, peu avant l'amnistie des Communards, qui allait permettre à ce dernier de rentrer en France. Cette rencontre change complètement le cours de sa vie[3] : outre une profonde amitié qui les unit jusqu'à la mort de Vallès, elle devient bientôt « le » secrétaire de celui-ci. À ses côtés, elle apprend le journalisme et s'initie au socialisme. Elle lui procure le soutien financier d'Adrien Guebhard pour relancer Le Cri du peuple, qu'elle dirige avec lui, et dont elle reprend la direction après la mort de Vallès, en 1885, dans l'esprit qu'il avait insufflé au journal. Elle est la seule femme de la rédaction et signe ses premiers articles « Séverin », avant de féminiser le nom en Séverine[2].

Première femme à diriger un grand quotidien, elle doit quitter Le Cri du peuple, en , à cause d'un conflit idéologique de fond avec le marxiste Jules Guesde. Elle est également en conflit avec des membres de la rédaction, qui lui reprochent sa liaison avec le rédacteur Georges de Labruyère et ses prises de position en faveur du général Boulanger[2]. Elle continue à écrire, de manière indépendante, dans de très nombreux journaux, dont les conservateurs Le Gaulois et Gil Blas, vivant confortablement de sa plume (plus de 4 000 articles). Son indépendance et son antiparlementarisme la conduisent parfois sur des chemins incertains[pas clair]. Ainsi, elle écrit, en 1893-1894, dans La Libre Parole du pamphlétaire antisémite Édouard Drumont, dont elle ne partage pas l'antisémitisme théorisé et systématique ; néanmoins, elle se laisse parfois aller à la dénonciation de l'« esprit juif » ou des « grands Juifs »[4].

Tombée amoureuse, en 1885, de Georges de Labruyère, journaliste à L'Écho de Paris rencontré après la mort de Vallès, elle vit avec lui jusqu’à la mort de ce dernier en 1920, avant de reprendre la vie commune avec son second mari, Adrien Guebhard, qui, lui, disparaît en 1924.

Engagement féministe[modifier | modifier le code]

Portrait photographique de Séverine en extérieur (musée de Bretagne).

À partir de 1897, elle publie chaque jour ses « Notes d'une frondeuse » dans La Fronde, le quotidien féministe de son amie, la journaliste Marguerite Durand avec laquelle elle avait été engagée dans le mouvement du général Boulanger. Elle devient l'amie de Mme Daniel-Lesueur lors de leur collaboration à La Fronde (1897-1903), puis participe à la création du prix Vie Heureuse (ancêtre du prix Femina) en 1904 (elle en est présidente en 1906 quand le jury se réunit chez Mme Daniel-Lesueur, celle-ci lui succédant l'année suivante) et reste membre du jury jusqu'à sa mort. Elle publie l'ouvrage pour enfants Sac à Tout, Mémoires d'un petit chien[5], un récit-photos, en 1903, chez Félix Juven. Le 11 avril 1903, sa pièce en deux actes À Sainte-Hélène, qui met en scène une confrontation entre Napoléon et une gouvernante anglaise qui a perdu son fils à Waterloo[6], est créée au théâtre Antoine[7], où elle est jouée pendant une semaine[8]. En 1905, elle prononce l'éloge funèbre de Louise Michel, figure de la Commune de Paris[9].

Elle défend les femmes qui ont recours à l'avortement : « Lorsque les hommes ont placé l'honneur des hommes sous le cotillon des femmes, ils auraient dû songer en même temps à ne pas imputer de crime et à ne pas frapper de châtiments tout acte commis par la femme pour sauvegarder l'apparence de cet honneur-là. […] Tant qu'il y aura de par le monde des bâtards et des affamés, le drapeau de Malthus – le drapeau taché du sang des infanticides avant la lettre – flottera sur ce troupeau d'amazones rebelles qui, forcées par vos lois de tenir leurs seins arides, ont le droit de garder leurs flancs inféconds » (Gil Blas, 4 novembre 1890, cité par Bertrand Matot). Son engagement lui vaut d'être accusée d'apologie de l'avortement et menacée d'inculpation. Elle apporte aussi son soutien au droit des femmes à plaider en tant qu'avocates, ce qui soulève de fortes oppositions[2].

Portrait de Séverine (musée de Bretagne).

Séverine s’engage dans la lutte en faveur du droit de vote des femmes, notamment à travers un billet hebdomadaire qu'elle publie à partir de 1906 dans Nos loisirs, diffusé à plus d'un demi-million d'exemplaires. En 1905, elle est en tête, avec Marguerite Durand, d'une manifestation de « suffragettes » qui réunit à Paris quelque 6 000 femmes qui revendiquent le droit de vote[2]. En 1910, elle commente ainsi la prescription de la loi électorale qui interdit à la femme l’entrée du Parlement :

« Cet ignorant qui ne sait ni lire, ni écrire, si incapable de distinguer sa droite de sa gauche qu’au régiment ses chefs feront garnir différemment ses deux sabots, et que les mouvements s’exécuteront au commandement : « Paille ! Foin !… Paille ! Foin ! » cet ignorant est électeur. Ce butor qui assomme ses chevaux à coups de fouet, sans discernement, sans pitié, sans même le souci de son intérêt ; qui distribue à tort et à travers l’injustice et la souffrance, ce butor est électeur… Ce pochard qui ne désemplit pas, de l'aube au crépuscule et du soir au matin, ce semblant d’homme, aviné, hoqueteux, baveux, ayant laissé sa raison au fond du premier verre, tellement il est intoxiqué, tantôt ricochant d’un mur à l’autre et tantôt vautré dans ses déjections, ce pochard est électeur… Électeur encore, ce fainéant qui se fait nourrir par sa femme, et cet apache qui vit de la fille ; électeur : ce gâteux qui s’usa les moelles en de sales noces ; électeur : ce demi-fou et ce fou prétendu guéri. Électeur enfin l’imbécile, maître du monde ! Mais la femme, réputée inférieure à tous ceux-là, n’a d’emploi que comme contribuable ; qu’un devoir : celui de payer ; qu’un droit : celui de se taire[10]. »

En , tandis que René Viviani devenait président du Conseil, Séverine organise une manifestation qui rassemble 2 400 personnes en faveur du vote des femmes. Un cortège défile des Tuileries à la statue de Condorcet. La guerre arrête momentanément le mouvement[11]. La volonté de Séverine était d'unifier les associations suffragistes en une entente fédérale pour le suffrage des femmes qui oublierait les désaccords entre les associations[12].

Elle continue à écrire pour de nombreux journaux dans lesquels elle défend la cause de l’émancipation des femmes et dénonce les injustices sociales. Elle s'engage aussi dans l’affaire Dreyfus aux côtés des dreyfusards, et notamment de Mécislas Golberg. Très généreuse, elle organise de nombreuses souscriptions. Elle soutient certaines causes anarchistes, prend la défense de Germaine Berton et, en 1927, s'associe aux vains efforts entrepris pour sauver Sacco et Vanzetti.

Pacifiste durant la Première Guerre mondiale, elle se positionne en faveur de la Révolution russe de 1917 et adhère à la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) en 1918 puis au Parti communiste français (PCF) en 1921. Elle écrit des articles dans L'Humanité mais finit par quitter le parti, refusant de rompre avec la Ligue des droits de l'homme, que les communistes considèrent alors « comme une formation bourgeoise »[2].

En 1921, elle raconte son enfance dans un récit autobiographique, Line (1855-1867), publié aux éditions Crès[13].

En 1927, elle signe la pétition publiée, le , dans la revue Europe, contre la loi sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre, qui abroge toute indépendance intellectuelle et toute liberté d’opinion, aux côtés d’Alain, Lucien Descaves, Louis Guilloux, Henry Poulaille et Jules Romains.

Elle est membre du Cercle de la Russie neuve, fondé en 1927-1928, et auquel participa notamment Gabrielle Duchêne. Il s'agissait d'un groupe d'intellectuels favorables à la Révolution russe, souhaitant approfondir leur connaissance du marxisme[14].

Peu avant sa mort, elle participe à la campagne de soutien à la candidature du docteur Albert Besson, qui est élu conseiller municipal du quartier Saint-Fargeau, conseiller général de la Seine puis vice-président du Conseil de Paris et du conseil général de la Seine. En 1933, en mémoire de celle-ci, il fait attribuer son nom au square Séverine, qu'il fait réaliser, porte de Bagnolet.

Elle écrit encore des articles sur la montée du fascisme en Italie pour Paris-Soir et La Volonté[2].

Sa maison de Pierrefonds, qu'elle avait baptisée « Les Trois marches » en souvenir de l'hôtel de Rennes où elle logeait pendant le procès en révision de Dreyfus en 1899, est rachetée à sa mort par Marguerite Durand, qui en fait une résidence d'été pour les femmes journalistes[15]. La bibliothèque Marguerite-Durand possède de nombreux documents de et sur Séverine, parmi lesquels des manuscrits, de la correspondance, ainsi que quelques objets lui ayant appartenu.

Ses obsèques, en 1929, ont lieu en présence de plus de deux mille personnes[16]. Elle est enterrée au cimetière communal de Pierrefonds (monument funéraire de grès rose, section périmètrale, numéros 201/202/203)[17].

Hommages[modifier | modifier le code]

Œuvres[modifier | modifier le code]

Œuvres personnelles[modifier | modifier le code]

La crèche de Babel, illustrations d'André Cahard.
  • Pages rouges, Paris, H. Simonis Empis, 1893.
  • Notes d’une frondeuse : de la Boulange au Panama (préf. Jules Vallès), Paris, H. Simonis Empis, (lire en ligne).
  • Pages mystiques, Paris, H. Simonis Empis, 1895.
  • En marche, Paris, H. Simonis Empis, (lire en ligne).
  • La Crèche de Babel, 1898, Paris-Noël.
  • Affaire Dreyfus : vers la lumière… impressions vécues, Paris, Stock, (lire en ligne sur Gallica).
  • La Toute-puissance de la bonté, [S. l.], 1900.
  • Sac à tout : mémoires d’un petit chien, Paris, F. Juven, 1903.
  • À Sainte-Hélène, pièce en 2 actes, Paris, V. Giard et E. Brière, 1904.
  • Line : 1855-1867, Paris, Crès, 1921.
  • Choix de papiers, annotés par Évelyne Le Garrec, Paris, Tierce, 1982.
  • Impressions d’audience, [Émile Zola, "J’accuse !", réactions nationales et internationales], Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 1999.
  • L'insurgée (préf. Paul Couturiau, postface Laurence Ducousso-Lacaze et Sophie Muscianese) (Choix d'articles parus dans divers journaux de 1886 à 1921), Paris, L’Échappée, , 266 p., 21 × cm (ISBN 978-2-37309-110-6, BNF 47105943, présentation en ligne)

Œuvres en collaboration[modifier | modifier le code]

  • Octave Aubry, De l’amour, de l’ironie, de la pitié, avec une lettre liminaire de Mme Séverine, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1904.
  • Félix Desvernay, Laurent Mourguet et Guignol. La Vie de Laurent Mourguet, Discours prononcés à l’inauguration du monument par Justin Godart, Édouard Herriot, Joanny Bachut, R. Du Marais et Séverine, Lyon, A. Rey, 1912.
  • Ferdinand Buisson, Victor Bérard, Paul Painlevé, Séverine, Pour l’Arménie indépendante, Paris, Ligue des droits de l’homme et du citoyen, 1920.
  • Séverine, la comtesse de Noailles, J.-G. Frazer et Paul-Louis Couchoud, Quatre témoignages sur Anatole France, La Charité-sur-Loire, A. Delayance, 1924.

Préfaces[modifier | modifier le code]

  • Raymond Péricat, Être un homme, préface inédite et posthume de Madame Séverine, Courbevoie, La Cootypographie, [s. d.]
  • Gabriel Nigond, Les Contes de la Limousine, Paris, P. Ollendorff, 1912.
  • Henriette Sauret, Les Forces détournées, 1914-1917, Paris, Librairie d’action d’art de la ghilde « les Forgerons », 1918.
  • Henry Torrès, Histoire d’un complot, Paris, Éditions Clarté, 1921.
  • Stanislas Zwick, La voix qui s'étrangle, Paris, Daragon, 1909.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Téléfilm[modifier | modifier le code]

Dans Jaurès, naissance d'un géant, téléfilm de Jean-Daniel Verhaeghe (), elle est interprétée par Florence Pernel.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : SÉVERINE (Caroline RÉMY, dite).
  2. a b c d e f et g Bertrand Mathot, Petite anthologie des premières femmes journalistes, Bordeaux, L’Éveilleur, , 223 p. (ISBN 9791096011407), p. 17-23
  3. Évelyne Le Garrec, Séverine : une rebelle 1855-1929, Paris, Seuil, , 311 p. (ISBN 978-2-02-006112-4, OCLC 239742908, lire en ligne).
  4. Françoise Blum, « Séverine ou la recherche d’une justice perdue », Mil neuf cent, no 11,‎ , p. 94 (lire en ligne, consulté le )
  5. Le Guen, « Sac à Tout de Séverine : récit-photo pour enfants en 1903 », Contemporary French Civilization,‎ (lire en ligne)
  6. Florence Fix, « Chapitre I. Personnages historiques ? », dans L'histoire au théâtre : 1870-1914, Presses universitaires de Rennes, coll. « Interférences », (ISBN 978-2-7535-4707-0, lire en ligne), p. 27–52
  7. « A Sainte Hélène », sur Catalogue de la Bibliothèque nationale de France (consulté le )
  8. Jean-Michel Gaillard, Séverine: Mémoires inventés d'une femme en colère, Plon (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-259-23915-8, lire en ligne)
  9. Centenaire de la mort de Louise Michel : hommage à une femme d’exception.
  10. Séverine, citée en mai 1910 par le journaliste Léon Aumeran, dans le journal Le Progrès de Bel-Abbès : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5739964b.
  11. Michèle Riot-Sarcey, Histoire du féminisme, Paris, La Découverte, coll. « Repères », , 126 p. (ISBN 978-2-7071-8630-0, OCLC 1082443995), p. 74.
  12. Yannick Ripa, Les Femmes, actrices de l'histoire : France, de 1789 à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « U », , 2e éd., 239 p. (ISBN 978-2-200-24654-9, ISSN 1147-3878, lire en ligne).
  13. Christiane Achour, « Séverine (1855-1929) et Jules Vallès (1832-1885) : un couple intellectuel ? », Féminin/Masculin, vol. 3 « Couples en création »,‎ , p. 209-226 (lire en ligne)
  14. Michel Dreyfus et Nicole Racine, « DUCHÊNE Gabrielle [DUCHÊNE Mathilde, Denise, dite », maitron.fr, 25 octobre 2008, consulté le 16 mai 2020.
  15. a et b Annie Metz, « Acquisitions remarquables », Archives du féminisme, bulletin no 28, 2020, p. 16-17.
  16. a et b « Pourquoi une rue Séverine à Pierrefonds ? », sur mairie-pierrefonds.fr (consulté le ).
  17. a et b Communauté de communes des Lisières de l'Oise, « Maison Séverine », sur cirkwi.com (consulté le ).
  18. « Une plaque en souvenir de Séverine », sur Le Parisien, (consulté le ).
  19. « Les Ami.e.s de Séverine », journal-officiel.gouv.fr, 20 juillet 2021.
  20. « Les Ami.e.s de Séverine », net1901.org, 13 juillet 2021.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :