Théophile Alexandre Steinlen

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Théophile Alexandre Steinlen
Steinlen dans son atelier (1913), photographie de l'agence de presse Meurisse, Paris, Bibliothèque nationale de France.
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Naissance
Décès
Sépulture
Nationalités
française (à partir de )
suisseVoir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Activités
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Autres informations
Mouvement
Maître
Genres artistiques
Nu, nature morte, scène de genre (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
Chat sur un fauteuil, Colette sur un fond de jardin (d), Femme assise dans un canapé (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Vue de la sépulture.
Exposition personnelle à La Bodinière (avril-mai 1894), affiche lithographiée.

Théophile Alexandre Steinlen, né à Lausanne le et mort à Paris (18e arrondissement) le [1], est un artiste anarchiste[2],[3], peintre, graveur, illustrateur, affichiste et sculpteur suisse, naturalisé français en 1901.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Théophile Alexandre Steinlen est le fils de Samuel Steinlen, un employé des Postes de Lausanne, lui-même fils de Christian Gottlieb (Théophile) Steinlen (1779-1847), peintre et dessinateur. Originaire d'Allemagne, la famille Steinlen avait été admise à la bourgeoisie de Vevey en 1832. Théophile Alexandre Steinlen étudie la théologie à l'Université de Lausanne pendant deux ans, puis, en 1879, se tourne vers l'art, suivant une formation au dessin d'ornement industriel à Mulhouse, chez Schoenhaupt, avant de s'installer à Paris avec sa femme Émilie en 1881.

Un artiste montmartrois[modifier | modifier le code]

Le bourg breton de Plestin (dessin de Théophile Alexandre Steinlen, 1902).
Affiche de la Tournée du Chat noir (1896), New Brunswick (New Jersey), Zimmerli Art Museum.

Logeant depuis 1883 sur la butte Montmartre, Steinlen fait rapidement connaissance avec les personnalités artistiques qui y gravitent. Il entre en relation avec Adolphe Willette, et Antonio de La Gandara avec lesquels il fréquente à partir de 1884 le Chat noir, le cabaret tenu par Rodolphe Salis, devenant notamment l'ami d'Henri de Toulouse-Lautrec. Il y connaît naturellement Aristide Bruant. Il fréquente également le café-restaurant Au Tambourin au 62, boulevard de Clichy[4].

Il expose initialement au Salon des indépendants, en 1893, puis, régulièrement, au Salon des humoristes.

Adversaire de l’injustice, compatissant envers les déshérités, qui alors ne manquaient pas à Montmartre, il dépeint des scènes de la rue, des usines, de la mine, mettant en scène les malheureux de toute espèce, mendiants, ouvriers dans la misère, gamins dépenaillés et prostituées. Ces personnages semblent plus souvent écrasés par leur triste condition que révoltés. Il considère l'espace public comme un lieu de conflits sociaux et est le premier à lui insuffler un esprit cinématographique, comme dans le populaire théâtre d'ombres du Chat noir, où les ombres illustrent la surveillance et le maintien de l'ordre public[5]. Il est par ailleurs le spécialiste des chats, qu’il dessine sans se lasser, dans toute leur fantaisie, joueurs, endormis ou en colère. Il dessine aussi des nus féminins.

Steinlen pratique de préférence le dessin et le pastel pour dépeindre la vie quotidienne de la rue et ses petits métiers. Le réalisme de ses dessins a inspiré certaines œuvres de Jean Peské, ou les débuts de Pablo Picasso. Il développe également un œuvre gravé, reprenant les mêmes thèmes que ses dessins, ou en y mêlant la politique, comme dans les lithographies par lesquelles il illustre les malheurs de la Belgique et de la Serbie en 1914-1918. Mais ce sont surtout ses affiches qui, comme celle de la Tournée du Chat noir, sont à l’origine de sa popularité. Il pratique aussi la sculpture sur le thème des chats (Chat angora assis[6]). Il illustre également des ouvrages littéraires, comme la refonte en 1903 des Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, et collabore à divers journaux humoristiques tels que Gil Blas illustré, L'Assiette au Beurre (dès le no 1), Le Rire et Les Hommes d'aujourd'hui, puis Les Humoristes, qu’il fonde en 1911 avec Jean-Louis Forain et Charles Léandre.

Steinlen est inhumé au cimetière Saint-Vincent à Paris.

Engagements libertaires[modifier | modifier le code]

Pieter Dupont, Portrait de T. A. Steinlen (1901), gravure, Lawrence (Kansas), Spencer Museum of Art[7].

En 1883, il réalise un dessin, intitulé Allons, chante, barbare, pour illustrer la pièce, Le Rêve d'un Viveur, de Jean-Louis Dubut de Laforest, il est publié dans le recueil de la pièce[8]. En 1897, il devient le principal illustrateur de La Feuille de Zo d’Axa et s'engage durant l’affaire Dreyfus en dénonçant les machinations militaires et les mensonges de l’état-major, renvoyant dos à dos la justice et l'armée[9].

La même année, il se lie d’amitié avec Jean Grave et, quand ce dernier lance Les Temps nouveaux en 1902, il est parmi les illustrateurs comme Maximilien Luce, Jules Grandjouan, Félix Vallotton, Paul Signac et Camille Pissarro. Il fournit également en soutien des estampes pour des tombolas ou pour des ventes au profit des Temps nouveaux auxquels il participe jusqu’à la Première Guerre mondiale et à la reprise jusqu’en 1920. Il fait des portraits de Jean Grave (gouache et estampe), illustre de nombreux livres et brochures liés au mouvement anarchiste ainsi que Guerre et militarisme de Jean Grave (1909), L’État, son rôle historique de Pierre Kropotkine, La Question sociale de Sébastien Faure ou encore Évolution et Révolution d’Élisée Reclus. Entre 1901 et 1912, il dessine dans l’Assiette au beurre où il dénonce les iniquités sociales et affirme ses aspirations et sa démarche libertaires[9].

En 1901, Samuel-Sigismond Schwarz fait appel à ses talents pour illustrer la première couverture de L'Assiette au beurre. Schwarz n'avait publié jusqu'alors que des magazines plutôt légers ; Steinlen était très au fait de ce qui se passait dans le monde de la presse engagée en Europe, il était un ami d'Albert Langen, le fondateur de la revue satirique allemande Simplicissimus, un éditeur militant qui fut rapidement condamné par le pouvoir impérial, et qui s'était inspiré en 1896 du Gil Blas illustré.

En 1902, Steinlen milite pour la constitution d’un syndicat des artistes peintres et dessinateurs dont il prononce le discours d’adhésion à la Confédération générale du travail en . En 1904, il adhère à la Société des dessinateurs et humoristes dont, en 1911, il est un des présidents d’honneur. En 1905, il adhère ainsi que Charles Andler, Séverine ou encore Octave Mirbeau, à la « Société des amis du peuple russe et des peuples annexés » dont le président est Anatole France. En 1907, il figure parmi un comité constitué pour ériger une statue à Louise Michel. Il est également signataire de diverses pétitions, contre la condamnation à mort du cordonnier Jean-Jacques Liabeuf en 1910[9].

Théophile Alexandre Steinlen a cinquante-cinq ans lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Trop âgé pour être mobilisé, il se rend toutefois deux fois au front en mai puis juillet 1915 sur des initiatives personnelles. Sous son crayon, est dépeint le quotidien des soldats.

En 1917, il est officiellement missionné par La Mission Artistique aux Armées qui chargea les artistes de rapporter des œuvres graphiques du front[10]. Il se concentre tout particulièrement, dans ses dessins, sur la misère dans laquelle étaient plongés les soldats (faim et froid dans les tranchées) et sur l’exode des civils français (représentés sur les routes ou devant leur maison en ruines)[11].

Hommage[modifier | modifier le code]

Un monument en pierre et en bronze, dit Fontaine Steinlen, dû au sculpteur Paul Vannier[12],[13], a été érigé en sa mémoire dans le square Joël-Le Tac (18e arrondissement de Paris), qui fut aménagé en cette occasion en 1935. Dans le même arrondissement, une rue porte son nom.

Le monument comporte au sommet un couple populaire s'embrassant, qui surmonte deux bas-reliefs de bronze représentant d'un côté une scène de rue avec des gens humbles et une marchande des " quatre saisons " et de l'autre des ouvriers au travail.

Pendant l'occupation de Paris par les allemands, les bronzes des bas-reliefs avaient été fondus. C'est seulement en 1962 que le crédit nécessaire est réuni pour confier à l'architecte André Vincent Becquerel le projet d'exécuter de nouvelles fontes des bas-reliefs et de les réinstaller, tels qu'ils sont aujourd'hui.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Peinture[modifier | modifier le code]

Femme au corsage blanc vers 1900
  • Chat sur un coussin.
  • La rentrée des ouvrières, Paris, musée d'Orsay
  • Femme au corsage blanc, 1900, Musée Toulouse-Lautrec
  • Les Éléments. Formes et couleurs, 1900.
  • L'Application à la décoration des brodeuses au métier et à l'aiguille, 1900.
  • Fête de nuit, 1900.
  • Poilu, 1917, Paris, musée d'Orsay
  • Café à Léon, 1921, collection privée.
  • Belmont-sur-Lausanne, 1923.
  • Couple d’amoureux.
  • La Détente.
  • La belle Rousse.
  • L'Assiette au beurre.

Dessin[modifier | modifier le code]

Intérieur du cabaret Le Mirliton Crayon sur Papier
Le chemineau à la besace -- Estampe de Théophile Alexandre Steinlen (1913) -- Source Gallica
  • L’Omnibus..
  • Le Flâneur[14]
  • Le chemineau à la besace
  • Retraité allumant sa pipe
  • Anatole France.
  • Jeune femme au buste découvert.
  • Les Bouquetières.
  • Le Violoniste.
  • Personnages au turban bleu.
  • Études de femmes debout.
  • Couple d'amoureux près des anciennes fortifications de Paris communément appelées “les fortifs”, fusain, 45 × 62 cm, Gray, musée Baron-Martin.
  • Intérieur du cabaret Le Mirliton; Crayon sur Papier

Lithographie[modifier | modifier le code]

  • Les deux Chats.
  • Tournée du Chat noir, 1896, lithographie en couleurs.
  • Clinique Chéron, 1905, lithographie en couleurs et affiche.
  • L'enfant serbe, Arlon, Musée Gaspar-Collection de l'Institut Archéologique du Luxembourg.
  • La classe 17, , Arlon, Musée Gaspar-Collection de l'Institut Archéologique du Luxembourg.
  • Bal de barrière, 1898, lithographie sur papier, Gray, musée Baron-Martin.

Affiches[modifier | modifier le code]

Illustrations[modifier | modifier le code]

Sculptures[modifier | modifier le code]

  • Le Chat assis, bronze à patine verte monté sur socle en marbre noir, 12 × 5 × 7 cm, dépôt du musée des Arts Décoratifs, Gray, musée Baron-Martin.

Œuvres dans les collections publiques[modifier | modifier le code]

France[modifier | modifier le code]

Belgique[modifier | modifier le code]

  • Arlon, Musée Gaspar-Collection de l'Institut Archéologiques du Luxembourg, lithographies[16].

Suisse[modifier | modifier le code]

Norvège[modifier | modifier le code]

  • Stiftelsen Lillehammer museum :
    • Nedre Langseth à Follebu ;
    • Jeune fille sur un banc de jardin entouré des fleurs ;
    • Palette

Expositions[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Archives de Paris acte de décès no 4626, vue 16 / 30
  2. Vittorio Frigerio, Émile Zola au pays de l'Anarchie, Éditions littéraires et linguistiques de l’Université de Grenoble (ELLUG), 2006, page 40.
  3. Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social, « Le Maitron » : notice biographique.
  4. La Gazette de Montmartre, no 55, , p. 26.
  5. (en + de + fr) Alexander Roob, The history of press graphics : 1819-1921, Cologne, Taschen, , 603 p. (ISBN 978-3-8365-0786-8), p. 510
  6. « Théophile Alexandre Steinlen, Chat angora assis », sur Images d’Art (consulté le ).
  7. Portrait of T. A. Steinlen, notice sur le site du Spencer Museum of Art.
  8. Jean-Louis Dubut de Laforest (ill. Jean Béraud, Boutet, Chevalier, Dillon, Feyen-Perrin, G. Fraipont, Guillemet, Lebourgeois, Maincent, Henri Pille, H. Rivière, Paul Robert, R. Salis, de Sta, Steinlen, Tiret-Bognet, de Vuillefroy, Willette), Le Rêve d'un Viveur, Paris, Éd. Rouveyre et G. Blond imprimeurs-éditeurs, , 88 p. (lire en ligne), p. 63 et 87-88.
  9. a b et c Dictionnaire des anarchistes, « Le Maitron » : notice biographique.
  10. Jeannine Christophe, « « « Guerre à la guerre ». Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) » », Revue d’histoire des chemins de fer, nos 50-51,‎ 2018, mis en ligne le 01 avril 2022 (lire en ligne)
  11. Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, « Théophile-Alexandre Steinlen, Guerre à la guerre, entre 1916 et 1920 », sur Site du musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne (consulté le )
  12. Voir sur roussard.com.
  13. Voir sur montmartre-secret.com.
  14. « Le Flâneur | Collection Musée national des beaux-arts du Québec », sur collections.mnbaq.org (consulté le )
  15. Disponible sur Gallica.
  16. Bulletin Trimestriel de l'Institut Archéologique du Luxembourg, 2017 N° 1-2., Arlon, p. 83
  17. Dans la vie est le titre d'un recueil de textes et de chansons que Steinlen a illustré pour son ami le chansonnier Aristide Bruant.
  18. Catalogue, sous la direction de Gérard Bonnin, éd. Ville de Clermont-Ferrand, 1998.
  19. « Steinlen, l'œil de la rue », Université de Lausanne (consulté le ).
  20. public.ville-bezons.fr.
  21. ville-bezons.fr.
  22. « Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) L’exposition du centenaire. Du 13 octobre 2023 au 11 février 2024 », sur Musée de Montmartre (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Ouvrages sur Steinlen[modifier | modifier le code]

  • Ernest de Crauzat, Steinlen peintre, graveur, lithographe, Paris, Ch. Meunier, 1902.
  • Catalogue de l'exposition des œuvres peintes, dessinées et gravées de Th.-A. Steinlen, avec une étude d'Anatole France, Paris, Édouard Pelletan, 1904.
  • Claude Aveline, Steinlen, l'homme et l'œuvre, Paris, les Écrivains réunis, 1926.
  • Fr. Jourdain, Un grand imagier : Alexandre Steinlen, Éditions du Cercle d'Art, 1954.
  • L. Contat-Mercanton, Théophile Alexandre Steinlen, Bâle, Musée Gutenberg, 1960.
  • Réjane Bargiel et Christophe Zagrodski, Steinlen affichiste, catalogue raisonné, Lausanne, Éditions du Grand-Pont, 1986.
  • Nicole Lamothe, Steinlen, peintre et illustrateur, Petites affiches, , p. 13.
  • Jacques Christophe, Steinlen, l’œuvre de guerre (1914-1920), 2 tomes, Lyon, Aléas, 1999.
  • Jacques Christophe , Steinlen, partitions musicales, chansons et monologues d'Aristide Bruant, Lyon, Aléas, 2003.
  • Philippe Kaenel (avec Catherine Lepdor), Théophile-Alexandre Steinlen : l'œil de la rue, Milan : 5 Continents Éditions ; Lausanne, musée cantonal des Beaux-arts, 2008.

Travaux universitaires[modifier | modifier le code]

  • Manon Tertrain, « La conception anarchiste de l'art social dans l'œuvre politique de Théophile-Alexandre Steinlen », mémoire de master 1re année en histoire de l'art contemporain, sous la dir. de Pierre Arnauld, Paris-I, 2009 (voir notice SUDOC).
  • Xavier Bodu, « Bestiaire et société : l'animal dans l'œuvre de Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) », mémoire de master 1 en histoire de l'art contemporain, sous la direction d'Emmanuel Pernoud, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012 (voir notice sur la base AGORHA).

Article sur Steinlen[modifier | modifier le code]

  • Sonya Mermoud, « Entre caresses et coups de griffes, Théophile-Alexandre Steinlen laisse derrière lui une œuvre éclectique et engagée », dans L’Événement syndical, Lausanne, (texte intégral en ligne).

Ouvrages généralistes[modifier | modifier le code]

  • Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Tome VIII, p. 211-212.
  • Martine Thomas, Yannick Marec et Gérard Gosselin, Le dessin de presse à l'époque impressionniste, 1863-1908, de Daumier à Toulouse-Lautrec, éditions Jean di Sculo (Democratic Books), 2010.

Roman[modifier | modifier le code]

  • Julien Delmaire, Minuit, Montmartre, Paris, Éditions Grasset et Fasquelle, 224 p., 2017.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Bases et dictionnaires[modifier | modifier le code]

Autres[modifier | modifier le code]