Tirant le Blanc

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Tirant le Blanc
Image illustrative de l’article Tirant le Blanc
Page de garde de la traduction espagnole (1511) de Tirante el Blanco.

Auteur Joanot Martorell
Pays Royaume de Valence Royaume de Valence
Genre roman chevaleresque
Version originale
Langue catalan-valencien
Titre Tirant lo Blanc
Lieu de parution Valence
Date de parution 1490
Version française
Traducteur Anne Claude de Caylus
Date de parution 1737

Tirant le Blanc (titre original en catalan-valencien : Tirant lo Blanch ; Tirant lo Blanc dans la langue moderne) est un roman chevaleresque de Joanot Martorell paru pour la première fois à Valence en 1490.

Il est considéré comme le chef-d’œuvre de la littérature classique catalan et l’un des chefs-d’œuvre de la littérature universelle[1],[2],[3],[4],[5]. Livre favori de Miguel de Cervantes, dont la profonde influence se retrouve dans la conception de son Don Quichotte, il marque un jalon important dans l’élaboration du roman moderne[1],[2],[3].

Le livre raconte en 487 chapitres les aventures d'un gentilhomme breton, Tirant le Blanc, qui se fait connaître au cours de fêtes et de combats à la cour d’Angleterre. Il devient chef des forces armées qui volent au secours de l’île de Rhodes et de l’Empire grec, qu’il défend contre l’invasion turque. Le roman raconte également les amours de Tirant le Blanc avec Carmésine, la fille de l'empereur de Constantinople.

Il est traduit en français pour la première fois en 1737 par le comte de Caylus.

Historique[modifier | modifier le code]

Page de l'édition incunable du Tirant lo Blanc (Valence, 20 novembre 1490).

Analyse[modifier | modifier le code]

Reconstitution du tournoi d'Oxford au Musée des soldats de plomb de Valence.

Contenu du récit[modifier | modifier le code]

Ce qu'en dit Cervantès[modifier | modifier le code]

Examen des livres de Don Quichotte.

Au chapitre six de la première partie de Don Quichotte, on jette au feu les livres qui ont prétendument rendu fou le héros (traduction de Louis Viardot) :

Et, sans se fatiguer davantage à feuilleter des livres de chevalerie, le curé dit à la gouvernante de prendre tous les grands volumes et de les jeter à la basse-cour.
Il ne parlait ni à sot ni à sourd, mais bien à quelqu’un qui avait plus envie de les brûler que de donner une pièce de toile à faire au tisserand, quelque grande et fine qu’elle pût être. Elle en prit donc sept ou huit d’une seule brassée, et les lança par la fenêtre ; mais voulant trop en prendre à la fois, un d’eux était tombé aux pieds du barbier, qui le ramassa par envie de savoir ce que c’était, et lui trouva pour titre Histoire du fameux chevalier Tirant le Blanc.
« Bénédiction ! dit le curé en jetant un grand cri ; vous avez là Tirant le Blanc ! Donnez-le vite, compère, car je réponds bien d’avoir trouvé en lui un trésor d’allégresse et une mine de divertissements. C’est là que se rencontrent don Kyrie-Eleison de Montalban, un valeureux chevalier, et son frère Thomas de Montalban, et le chevalier de Fonséca, et la bataille que livra au dogue le valeureux Tirant, et les finesses de la demoiselle Plaisir-de-ma-vie, avec les amours et les ruses de la veuve Reposée, et Madame l’impératrice amoureuse d’Hippolyte, son écuyer. Je vous le dis en vérité, seigneur compère, pour le style, ce livre est le meilleur du monde. Les chevaliers y mangent, y dorment, y meurent dans leurs lits, y font leurs testaments avant de mourir, et l’on y conte mille autres choses qui manquent à tous les livres de la même espèce. Et pourtant je vous assure que celui qui l’a composé méritait, pour [n’]avoir [pas][6] dit tant de sottises sans y être forcé, qu’on l’envoyât ramer aux galères tout le reste de ses jours. Emportez le livre chez vous, et lisez-le, et vous verrez si tout ce que j’en dis n’est pas vrai.
— Vous serez obéi, répondit le barbier …

Le fait que Cervantès ait loué le roman pour ensuite condamner son auteur aux galères a été considéré comme le point le plus obscur du Quichotte. Il suffit pourtant de lire le chapitre vingt-deux de la même première partie pour comprendre qu'il n'y avait rien de contradictoire pour Cervantès ; Ginès de Passamont, émule de Guzman d’Alfarache et donc représentant du roman picaresque, est conduit aux galères pour plusieurs méfaits. Don Quichotte, qui croise le convoi de galériens, a une conversation avec le gueux :

— Et quel est le titre du livre ? demanda don Quichotte.
La vie de Ginès de Passamont, répondit l’autre.
— Est-il fini ? reprit don Quichotte.
— Comment peut-il être fini, répliqua Ginès, puisque ma vie ne l’est pas ? Ce qui est écrit comprend depuis le jour de ma naissance jusqu’au moment où l’on m’a condamné cette dernière fois aux galères.
— Vous y aviez donc été déjà ? reprit don Quichotte.
— Pour servir Dieu et le roi, répondit Ginès, j’y ai déjà fait quatre ans une autre fois, et je connais le goût du biscuit et du nerf de bœuf, et je n’ai pas grand regret d’y retourner encore, car j’aurai le temps d’y finir mon livre ; il me reste une foule de bonnes choses à dire, et, dans les galères d’Espagne, on a plus de loisir que je n’en ai besoin, d’autant plus qu’il ne m’en faut pas beaucoup pour ce qui me reste à écrire, car je le sais déjà par cœur.

Période contemporaine[modifier | modifier le code]

Tirant le Blanc, en tant que premier roman de langue catalane est largement étudié dans les écoles de la Catalogne, la Communauté valencienne et les Îles Baléares.[réf. nécessaire]

Martí de Riquer écrit dans sa préface à l'édition catalane de  : « Il est fort naturel qu’en 1490 Tirant, roman alors d’actualité, ait eu de nombreux lecteurs. Mais ce qui est vraiment surprenant c’est qu’en 1969, dix mille lecteurs se précipitent sur un roman chevaleresque, vieux de cinq cents ans, et l’épuisent à un rythme que lui envieraient nombre de romans actuels et engagés dans ce siècle. C’est la grande victoire littéraire de Joanot Martorell. »

Le récit a inspiré un opéra, Le Triomphe de Tirant, créé en et un film, Tirant le Blanc, le complot des dames, sorti en .

Éditions et œuvres inspirées[modifier | modifier le code]

Éditions en français[modifier | modifier le code]

Traductions dans d'autres langues que le français[modifier | modifier le code]

  • (de) Der Roman vom weißen Ritter Tirant lo Blanc, traduction partielle de Fritz Vogelgsang, 1990, Frankfurt am Main, Fischer Verlag ; réédition en 2007.
  • (en) Tirant lo Blanc, traduction de David H. Rosenthal, 1984, New-York.
  • (en) Tirant lo Blanc, traduction de Ray La Fontaine, 1993, New-York, Peter Lang.
  • (en) The White Knight: Tirant lo Blanc, traduction de Robert S. Rudder, 1995, projet Gutenberg.
  • (es) Los cinco libros del esforçado cavallero Tirant el Blanco de Roca Salada, Valladolid, Diego de Gumiel, 1511 ; texte repris par Martí de Riquer, 1990, Barcelona, Planeta.
  • (es) Tirant lo Blanc, traduction de J. F. Vidal Jové, 1969, avec un prologue de Mario Vargas Llosa, Madrid, Alianza.
  • (zh) Qishi Dilang, traduction de Wang Yangle, 1993, Renmin Wenxue Che Bansche, Beijing.
  • (fi) Tirant Valkoinen, traduction de Paavo Lehtonen, 1987, Helsinki.
  • (it) Tirante il bianco, 1538, traduction de Lelio Manfredi, Venise ; réédité en 1566 et 1611 ; édition critique de Annichiarico, A., L. Indini, M. Majorano, V. Minervini, S. Panunzio i S. Zilli, 1984, introduction de G. E. Sansone, Roma, Edizioni La Tipografica.
  • (it) nouvelle traduction de Giuseppe Grilli.
  • (ja) traduction de Ko Tazawa (2007), Tokyo, Iwanami Shoten.
  • (nl) Tirant lo Blanc, traduction de Bob de Nijs, 1988, Amsterdam ; réédité en 2001 sous le titre De volmaakte ridder Tirant lo Blanc, Amsterdam, Querido.
  • (pl) Tirant Biały, traduction en cours de Rozalya Sasor.
  • (pt) Tirant lo Blanc, traduction de Cláudio Giordano, 2004, Atelié Editorial, Cotia.
  • (ro) Tirante el Blanco (roman cavaleresc), traduction partielle de Oana Busuioceanu, 1978, Bucarest, Minerva.
  • (ru) Tirant lo Blanc, traduction de Marina Abràmova, Piotr Skobtsev et E. E. Gúixina, 2006, Moscou, Ladomir : Nauka.
  • (sr) Tirant lo Blanc, traduction d’Aleksandar Grujicic, 2005, Paideia.
  • (sv) Tirant en Vite, traduction de Miquel Ibàñez, 1994, Stockholm, Interculture.

Œuvres diverses tirées de Tirant le Blanc[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Joanot Martorell et Ray la Fontaine, Tirant lo Blanch: the Complete Translation, Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der Wissenschaften, (ISBN 0820416886)
  2. a et b Joanot Martorell, Martí Joan de Galba et David Rosenthal, Tirant lo Blanch, Johns Hopkins University Press, (ISBN 0801854210, lire en ligne Inscription nécessaire)
  3. a et b Dominique de Courcelles, « Vœu chevaleresque et vœu de croisade dans le roman de Tirant lo Blanc (1460-1490) », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, vol. 16,‎ , p. 1–14 (DOI 10.4000/ccrh.2652 Accès libre)
  4. (es) Manuel Muñoz, « Rosenthal pudo al fin hablar en Valencia sobre su traducción de 'Tirant lo Blanc' », El País, Spain,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « el primer traductor al inglés de la obra maestra de la literatura en catalán, obra de los valencianos Joanot Martorell y Martí Joan de Galba, vio boicoteado su primer intento de dar esta conferencia en la ciudad, el pasado jueves, al impedirlo grupos de anticatalanistas en el salón dorado de la Lonja, que pretendieron imponer con gritos e insultos su criterio de que existe una "lengua valenciana" diferente de la catalana. »

  5. Edward T. Aylward, Martorell's Tirant lo Blanch: A Program for Military and Social Reform in Fifteenth-Century Christendom, University of North Carolina Press, University of North Carolina at Chapel Hill for its Department of Romance Studies, (ISBN 0807892297) :

    « Only in the late 1940s did Hispanists begin to awaken to the considerable literary qualities of this unique Catalan work of fiction »

  6. Viardot, qui n'avait pas mis les deux fragments en rapport et n'avait donc pas compris le passage, a supprimé une négation qui a été rétablie ici. Cervantès dit en effet : « Con todo eso, os digo que merecía el que le compuso, pues no hizo tantas necedades de industria, que le echaran a galeras por todos los días de su vida. », dont la traduction exacte est : « Et pour cela je vous assure que celui qui l'a composé méritait, pour n'avoir pas dit tant de sottises sciemment, qu'on l'envoyât ramer aux galères tout le reste de ses jours. » Effectivement, Martorell reste toujours dans le domaine du possible et évite tout merveilleux, ce qu’appréciait l'auteur du Quichotte.
  7. On pourra lire la préface en espagnol de Mario Vargas Llosa à : Tirant lo Blanc, novela sin fronteras, sur Cervantes Virtual.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (fr) En selle avec Tirant le Blanc, Vargas Llosa, Éditions Gallimard, 1996.
  • (fr) Études critiques sur et autour de Tirant le Blanc. Actes du colloque international Tirant le Blanc : l'aube du roman moderne européen, Centre aixois de recherches hispaniques, 1997.
  • (fr) « Tiran le Blanc », dans Pourquoi lire les classiques (p. 41-46), Italo Calvino, Éditions du Seuil, 1984.
  • (ca) Carme Arenas (dir.), Antònia Carré, Joan Ducròs et Toni Sala, SOLC 9 : Literatura catalana - Història i textos, Barcelone, educaula, coll. « Aula », , 384 p. (ISBN 978-84-92672-67-7 et 84-92672-67-6), p. 95-106.
  • Frédéric Alchalabi, « À table avec Tirant le Blanc », Catalonia, no 28,‎ (ISSN 1760-6659, DOI 10.4000/catalonia.512, lire en ligne, consulté le ).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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