Yan' Dargent

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Yan' Dargent
Émile Bayard, Yan' Dargent,
publié dans L'Illustration et les illustrateurs (1898).
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Jean-Édouard DargentVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Yan' d'ArgentVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Enfant
Autres informations
Distinction
Vue de la sépulture.

Yan' Dargent, pseudonyme de Jean-Édouard Dargent[1], né le à Saint-Servais et mort le à Paris, est un peintre et illustrateur français.

La majeure partie de son œuvre picturale est consacrée à sa région natale, la Bretagne.

Biographie[modifier | modifier le code]

Les jeunes années[modifier | modifier le code]

Son père, Claude Dargent, émigré lorrain, est tanneur, sa mère, Marguerite Perrine Clémentine Robée, fille de Pierre Robée aubergiste, tenait également le relais de poste et le débit de tabac. Il devint maire[Où ?] à la Monarchie de Juillet. Yan' Dargent a deux ans quand sa mère meurt. Son père se remarie à Saint-Pol-de-Léon[2], et l'enfant est élevé par ses grands-parents. Pierre Robée, grand-père maternel, ancien marin, le confie à l'un de ses oncles, Thomas, vieux chouan, instituteur à Plouaret, où il aura comme condisciple François-Marie Luzel, poète, folkloriste, puis archiviste, qui restera son ami.

Il est d'abord élève au collège Saint-Joseph de Landerneau, puis en 1836 à l'institution Notre-Dame du Kreizker de Saint-Pol-de-Léon, où il fait des études médiocres, avant de rejoindre son père à Landerneau[3].

Son grand-père voulait en faire un marin, mais Yan' Dargent préférait les mathématiques et le dessin.

En 1840, d'abord dessinateur à Brest dans l'entreprise de travaux publics Déniel, il entre après examen dans l'administration des ponts et chaussées, puis passe à la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest qui doit construire la ligne de chemins de fer entre Morlaix et Brest, où il est chargé de faire des relevés topographiques.

En 1846, alors inspecteur des travaux à la construction de chemin de fer de Montereau, sa rencontre avec Jules-Nicolas Schitz, professeur de dessin du lycée de Troyes, qui l'engage à développer ses talents, sera déterminante.

Considéré comme autodidacte, il n'a jamais fait partie d'une « école », ce qui a pu nuire à sa carrière.

Le peintre et l'illustrateur[modifier | modifier le code]

Les Lavandières de la nuit (1861), huile sur toile, 75 × 150 cm, musée des Beaux-Arts de Quimper.
Ancien calvaire de Killinen, près de Quimper (1893), huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Quimper.

En 1849, sa compagne, Aimée Louise Eulalie Crignou (ou Gignon), donne naissance à un fils, Ernest, que Yan' Dargent ne reconnaîtra qu'à la mort d'Aimée, en 1861.

En 1850, alors qu'il est pressenti par sa compagnie des chemins de fer pour la réalisation d'un chantier en Espagne et, sur les instances réitérées du fils de l'éditeur Furne qui avait deviné ses talents, il donne sa démission pour se consacrer à son art d'illustrateur et s'installe à Paris. Pendant dix ans, il poursuit sa production artistique et expose tous les ans, sans succès, au Salon de Paris, à partir de 1851.

En 1861, aux côtés d'Évariste-Vital Luminais, Adolphe Leleux, Charles Fortin, Jules Noël, Octave Penguilly L'Haridon, il présente quatre tableaux (Les Lavandières de la nuit (ballade bretonne), Souvenir de collège, Les Pilleurs de Mer à Guissény, Pâtres des plaines de Kerlouan), ce que Maxime Du Camp, comme beaucoup d'autres, fait remarquer ironiquement : « Il y a à l'exposition une armée de Bretons qui bretonnent à qui mieux mieux[4] ». Au contraire, Théophile Gautier fait l'éloge des Lavandières de la nuit (musée des Beaux-Arts de Quimper)[5]. Sa renommée est faite.

À ce succès sans suite, il trouve, comme son ami et rival Gustave Doré, dans l'illustration de livres — au total environ 200 —, une rémunération plus régulière que la vente de ses toiles.

Il est aussi un illustrateur très fécond, pour des revues telles que le Magasin pittoresque, le Musée des familles, La vie à la campagne, ou La France illustrée.

Près de Saint-Pol-de-Léon, à Créac'h-André, il fait construire une villa à l'endroit même où écolier à Saint-Pol, il venait en promenade le jeudi et le dimanche.

Le , il épouse Eugénie Antoinette Stéphanie Mathieu, musicienne, fille du peintre Eugène Mathieu et directeur de la publication La France illustrée. De 1869 à 1878, il est chargé par le clergé de la décoration de plusieurs églises : Saint-Servais, Landerneau, Morlaix, Ploudalmézeau et surtout la cathédrale Saint-Corentin de Quimper dont il réalise l'ornementation de toutes les chapelles latérales, ce qui lui prendra sept ans.

Son œuvre est inégale, il connaît une période académique, mais il a aussi réalisé, en dehors des Lavandières de la nuit, son œuvre la plus célèbre, des peintures comme La Petite Roscovite (mairie de Saint-Pol-de-Léon). Il a également peint des couchers de soleil sur les grèves de Roscoff, ainsi que des tableaux sur les paysages du Léon.

Par décret du , il est nommé chevalier de la Légion d'honneur.

En , à la mort d'Eugénie Mathieu, il se fixe définitivement à Créac'h-André.

Lors de la création de l'Union régionaliste bretonne en 1898, il accepte d'être le premier président de la section des Beaux-Arts.

À la fin de sa vie, en proie à des difficultés financières, il sera accueilli par son fils.

Il meurt le à Paris, probablement d'une embolie pulmonaire, et est enterré à Saint-Servais.

Postérité[modifier | modifier le code]

Tombe de Yan' Dargent à Saint-Servais.

Avant sa mort, il avait demandé à être enterré à Saint-Servais, et que sa tête soit déposée dans l'ossuaire qu'il avait décoré, à côté des ossements de sa mère et de ses grands-parents, selon la pratique de l'époque. Un délai de cinq ans étant nécessaire pour les descendants, c'est le que son fils, Ernest Yan' Dargent, muni de l'approbation de l'évêque de Quimper et de Léon, fait ouvrir le cercueil afin de procéder à la décollation. Mais après huit ans, le corps est encore en bon état de conservation, et l'abbé Guivarc'h est obligé de trancher lui-même la tête[6]. La belle-famille[7], celle issue du second mariage de Claude Dargent, intente un procès, qui durera six mois, à Ernest et à l'abbé pour violation de sépulture, et abus de pouvoir de la part du fils, légataire universel. Le , le tribunal correctionnel de Morlaix prononce l'acquittement, mais Ernest meurt quatre jours plus tard, sous le coup de l'émotion.

Le dernier décollement de chef connu en Bretagne fut celui du peintre Yan' Dargent réalisé selon sa volonté dans le cimetière de Saint-Servais en 1907 :

« La tombe fut ouverte, le cercueil descellé et, sur le vœu du fils du défunt, M. le recteur de la paroisse prit avec respect la tête du mort, la sépara sans grande difficulté du tronc, et la remit dans une petite châsse en zinc près du chef de sa mère. C'était le matin. Dans l'après-midi, toute la paroisse, fière de son peintre, assista à la funèbre cérémonie. Les écoles eurent congé, les autorités portèrent les glorieux restes jusqu'à la chapelle[8]. »

Le chef de Yan' Dargent est toujours enfermé dans un reliquaire en zinc, à droite de l'autel de l'ossuaire.

Un musée lui est consacré dans sa ville natale de Saint-Servais.

De nombreux dessins du peintre sont conservés au musée départemental breton de Quimper (études préparatoires pour les peintures murales de la cathédrale de Quimper ; décors de céramiques). Le musée conserve également deux grands plats décorés par Yan' Dargent, exécutés à Quimper.

Il y a quelques années[Quand ?], toutes les peintures murales de la cathédrale de Quimper, réalisées par Yan' Dargent ont été restaurées. Cela a permis à ce peintre oublié de sortir de l'anonymat. Une étudiante[Laquelle ?] de l'université de Brest lui a consacré sa thèse.

De nombreuses rues portent son nom en Bretagne.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Poucette, illustration pour les contes d'Andersen.
Frontispice du Nouveau Robinson suisse, gravure de Joliet d'après Yan' Dargent.

Illustration d'ouvrage[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Plus tard, il préféra Yann, auquel l'élision d'un « n » oblige d'adjoindre une apostrophe, et signera Yan' Dargent. Son nom sera souvent orthographié « d'Argent » par les critiques d'art de son époque. Ce « D' » est sans raison.
  2. avec Marie Félicité Wangrevelynghe, âgée de 20 ans.
  3. N'ayant pas pu s'installer comme tanneur à Morlaix, Claude Dargent s'installe à Landerneau (1833-1834).
  4. Maxime Du Camp, Le Salon de 1861, Paris, A. Bourdilliat et Cie éditeurs, 1861.
  5. « Il y a un véritable sentiment fantastique dans Les Lavandières de la Nuit de M. Yan d'Argent. — On connaît cette légende bretonne de laveuses spectres, qui savonnent des linceuls avec du clair de lune sur la pierre des lavoirs et prient le passant égaré de les aider à tordre leur linge. C'est par ces nuits où des brumes blanches flottent au-dessus des prairies et des saulaies qu'on entend le bruit de leurs battoirs couper la note plaintive de la rainette dans le vaste silence de la campagne. — L'artiste a représenté, sur une toile de forme oblongue, les lavandières de nuit à la poursuite d'un pauvre paysan bas-breton, à qui la peur donne des ailes malgré ses grègues embarrassantes et ses lourds sabots. Mais l'haleine va bientôt lui manquer et il tombera mort dans une de ces flaques d'eau où, parmi les nénufars, flotte déjà un cadavre. L'essaim des laveuses nocturnes s'allonge derrière lui comme un banc de vapeurs, dessinant de vagues formes humaines, tendant de maigres bras armés de battoirs. Les vieux troncs de saules écimés se tortillent hideusement au bord de la route et prennent de monstrueuses apparences spectrales ; de leurs moignons informes, ils semblent vouloir retenir le fugitif ou le menacer. Cependant une lune blafarde jette son froid rayon sur cette scène de fantasmagorie, ébauchant çà et là, à travers l'obscurité des silhouettes inquiétantes ». Et Théophile Gauthier de conclure : « M. Yan d'Argent exprime le côté légendaire de cette Bretagne dont Adolphe Leleux, Luminais et Fortin rendent si bien le côté rustique »Théophile Gautier, Abécédaire du Salon de 1861, Paris, E. Dentu éditeur, 1861.
  6. « On découpe un cadavre : Le scandale de Saint-Servais », L'Humanité, no 1303,‎ , p. 3 (lire en ligne, consulté le ), lire en ligne sur Gallica.
  7. Félix et Hyacinthe Dargent, les demi-frères de Yan' Dargent.
  8. La semaine religieuse de Quimper et de Léon, 1907.
  9. a b c d et e Tableaux visibles au musée des Beaux-Arts de Quimper.
  10. « Le Scorff, Brizeux et Marie », sur www.pop.culture.gouv.fr (consulté le )
  11. Renaissance du Musée de Brest, acquisitions récentes : [exposition], Musée du Louvre, Aile de Flore, Département des Peintures, -, Paris, , 80 p..
  12. Théophile Gautier, Abécédaire du Salon de 1861, 1861 (en ligne sur Gallica).
  13. « Musée des Beaux-Arts : 138 ans de silence pour « Les pilleurs de mer » », sur Letelegramme.fr, Le Télégramme, (consulté le ).
  14. musée des Beaux-Arts de Quimper.
  15. musée des Beaux-Arts de Quimper.
  16. « 83-6-1 La Mort du dernier barde », sur collections.mbaq.fr (consulté le )
  17. Bonnet, op. cit., p. 332.
  18. Philippe Bonnet, Peintures monumentales de Bretagne, PUR, 2021, p. 332.
  19. Jean Édouard Dargent dit Yan D'Argent, Présentation de Jésus au Temple, Cerca Trova.
  20. En ligne.
  21. en ligne.

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jean-Loup Avril, Mille Bretons, dictionnaire biographique, Saint-Jacques-de-la-Lande, Les Portes du large, 2002, p. 115.
  • André Cariou et Dominique Radufe, Yan Dargent 1824-1899, éd. du musée des Beaux-Arts de Quimper, 1999  (ISBN 2-906739-29-4). — Catalogue de l'exposition du musée des Beaux-Arts de Quimper, du au .
  • Marcus Osterwalder (dir.), Dictionnaire des illustrateurs, 1800-1914, éditions Ides et Calendes, 1989, pp. 284-285.
  • Georges Hanciau, Yan' Dargent. Peintre et dessinateur breton. Sa vie et ses œuvres, 1889.
  • Martine Plantec, Étude en noir et blanc, Yan' Dargent illustrateur de livres, 3 vol., Mémoire de maîtrise de l'histoire de l'art, université de Rennes, .
  • Philippe Le Stum, La Gravure sur Bois en Bretagne, 1850-2000, Spézet, Coop Breizh, , 319 p. (ISBN 9782843468216).

Catalogues d'exposition[modifier | modifier le code]

  • Yan' Dargent, Bibliothèque municipale de Brest, septembre-.
  • Yan' Dargent, Landerneau, juin-.
  • Yan' Dargent chez lui à Saint-Servais, Musée Yan' Dargent, été 1991.
  • Les Lavandières de la nuit, Musée Yan' Dargent, été 1993.
  • Yan' Dargent, Quimper, musée des Beaux-Arts, - , commissariat d'André Cariou.

Liens externes[modifier | modifier le code]

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